« Certaines histoires vous marquent à jamais » Quoi de mieux qu’un bon bain de soleil en cette belle matinée ? Le soleil venait à peine de se lever et brillait déjà de mille feux. Les rayons lumineux donnaient de la gaîté à ce jour. Aucun nuage ne venait gâcher cette journée qui s’annonçait comme magnifique. Comme tous les matins, Morgana était levée tôt, parée pour donner ses cours de langues. Français, espagnol en passant par italien et russe. Elle aimait son boulot. Et comme tous les matins, elle se rendit à son boulot, donna des cours dont tous les élèves se passionnèrent et quitta le lycée à dix-sept heure tapante. Le soleil était haut, il faisait chaud et après une longue journée de cours, elle eut envie d’aller se balader au parc. Elle savait que son ami et confiant, Ian, s’y trouvait. Comme toujours. Elle avait envie de le voir, de se laisser dessiner et de lui parler de sa journée, tout en le taquinant avec le surnom qu’elle lui donnait. Chaton. Elle savait qu’il avait horreur d’être appelé comme ça, mais elle, ça l’amusait tellement qu’elle continuait. Et puis, elle avait quelque chose d’important à lui dire. Une chose qu’elle ne savait pas si elle devait prendre au sérieux ou pas. Elle avait peur et préférait lui en parler, vu que ça avait un lien avec son enlèvement. Lorsqu’elle arriva au parc, elle le trouva sur son habituel banc, à dessiner les passants qui marchaient. De loin, elle sourit et s’avança vers lui. Alors arrivée devant lui, elle se glissa près de lui sur le banc, lui fit un baisé sur la joue –amical, je vous rassure- et sourit. Elle murmura d'une voix douce Morgana ▬ Salut Chaton. Elle secoua la tête, non ravie du ton de sa voix qu'elle avait utilisée et se passa une main dans sa longue chevelure noir d’ébène. Avec ses yeux bleu pâle, elle fixa l’esquisse que faisait Ian et admirative, elle tapa d’une traite dans ses mains, se mordant la lèvre inférieur. Morgana ▬ Tes dessins sont toujours aussi magnifiques, je t'admire vraiment ! Tu as vu le coup de crayon que tu as ?! Elle se repassa inlassablement une main dans les cheveux et leva la tête pour regarder la foule passer. C’était marrant, elle avait l’impression d’être dans sa bulle et les passants dans les leurs. Personne ne faisait attention aux autres, personne ne se lançait des sourires. Morgana avait remarqué ça à l’instant et elle trouvait ça idiot. Elle poussa un long soupire et tourna la tête vers Ian, souriant. Morgana ▬ Sinon, ta journée, ça a été ? Elle ne pouvait pas s’empêcher de prendre des nouvelles de lui, surtout pour savoir s’il avait des choses croustillantes à lui dire. Oui, Morgana avait toujours été têtue et un peu commère sur les bords mais c’était quelqu’un de confiance à qui on pouvait confier un secret sans problème. Elle s’étira, poussa un bâillement de fatigue et se redressa vivement, se rappelant qu’elle avait quelque chose à lui donner. Elle fouilla dans son sac, ne trouvant pas ce qu’elle cherchait à cause du bazar et poussa un soupir de soulagement, lorsqu’elle sortit quelque chose de son sac et le lui donna. Elle lui tendit une feuille, une lettre de menace de mort, plus précisément, qu’elle avait reçu quelques jours plus tôt et ce n’était pas la première. Morgana ▬ Il n'y a qu'à toi que je peux en parler, tu es le seul au courant pour... Elle ne put finir sa phrase, qui tomba en suspension. Elle avait toujours eu du mal à parler de son enlèvement. Ian était l’un des seuls à être au courant et à savoir en détail ce qu’il s’était passé, comment elle avait prit cet enlèvement et ce qu’elle avait ressentit pendant et après. Elle se sentait donc, assez en confiance pour lui parler de ces lettres. De plus, elle était effrayée et ne savait pas quoi faire. Elle baissa les yeux et poussa un soupir navré. Morgana ▬ Bref, ce n'est pas la seule lettre. J'en reçois une tous les jours ou...tous les deux jours. Je ne sais pas quoi faire Ian, Tommy est censé être mort depuis longtemps...je ne comprend pas comment il pourrait m'envoyer des lettres...

La procrastination était le mot qu’Ian aimait le plus dans la vie. Et pour cause ; sur sa journée, il aurait du travailler sur la suite d’un de ses mangas. Mais son planning avait été bien différent. Il s’était levé tard dans la matinée - aux alentours de midi, si sa mémoire ne lui jouait pas des tours -, si tard qu’il n’avait pas croisé Nate, qui partait généralement en fin de matinée. Il avait pris une douche rapidement, et était directement sorti dans le parc. C’était là qu’il se sentait le mieux, le plus en paix, à l’exception de chez lui. Et puis, c’était là qu’il pouvait croiser sa petite protégée, Morgana. Ce n’était pas difficile qu’ils se retrouvent : pour dessiner, il était toujours assis sur le même banc, et il passait la plupart de la journée à l’attendre. C’est exactement ce qu’il fit, gribouillant dans son carnet de dessin les gens qui passaient. Il entendait parfois des bribes de conversations, de gens banals, mais qui lui donnaient souvent des idées pour ses scripts. Surtout qu’à Quantico, on ne manquait pas de potins ! Il suffisait que Madame Archdeacon passe pour qu’il soit au courant de tout. Saviez-vous que la fille du boucher s’était mise en couple avec un agent du FBI ? Quelle fierté pour ses parents ! Et qu’un habitant avait dit avoir vu un démon ? Que sa voisine avait retrouvé son chat ? Oui, Ian était toujours aux courant des dernières nouvelles et il en faisait bien généralement part à Morgana. Celle-ci arrivait toujours à le faire sourire, du moins plus qu’à l’habitude depuis qu’il avait toujours un sourire collé au visage, que ce soit par le biais de blagues ou par sa prestance naturelle. Elle avait ce quelque chose de brillant dans son regard, quelque chose qui ne pouvait pas vous rendre triste. C’est pourquoi quand elle arriva ce jour-là, il remarqua tout de suite que quelque chose n’allait pas. Cette même lueur était éteinte et elle avait l’air… absente. Et ça fit mal au cœur du jeune homme rien que pour ça. Voir les gens qu’il aime triste, c’était la chose qui lui déplaisait sans doute le plus. Il la vit d’abord de loin ; elle lui fit un geste de la main, mais vu que celles du garçon était prises, il lui répondit par un simple sourire. Elle vint s’asseoir à ses côtés, déposant un baiser sur sa joue au passage. Un geste anodin pour eux, et ils le savaient aussi bien l’un que l’autre. Il n’y avait que de l’amitié entre eux, premièrement, et deuxièmement, il était en couple. Seulement, si Miss Archdeacon les surprenait, le mot se passerait vite. Mais il n’y avait pas de soucis à se faire ; elle avait déjà fait sa petite balade aujourd’hui, elle ne repasserait que dans la soirée promener son chien, Kiki (un nom original pour une femme originale, que voulez-vous), et Ian serait déjà parti à ses cours. Donc, la voix était libre. Et au fond, ce n’était pas comme si ça le dérangeait. Morgana était une jeune femme magnifique - s’il n’avait pas été homosexuel, il aurait réellement pensé à sortir avec elle. Mais il n’aimait les femmes que comme un sujet d’art. Il les aimait pour leur grâce, leurs traits fins, pas comme personne avec qui passer sa vie.

« Gah ! Arrête de m’appeler Chaton ! Je n’aime pas vraiment les chats ; tu m’appellerais blaireautin, que ce serait pareil pour moi… »

Blaireautin. Oui, le petit du blaireau était vraiment la première chose qui lui était passé par la tête. Il avait toujours trouvé cet animal hilarant et ses mains, sauvagement, se mirent à dessiner ledit animal alors qu’il ne regardait même pas. Ça attira l’attention de la jeune femme, qui se pencha pour regarder ses esquisses. Il n’y avait rien de bien fascinant - un de ses personnages préférés, Luka, une jeune fille complètement folle, un petit chat, un homme assis, les jambes croisées. Ce dernier existait vraiment. Il s’était assis sur le banc en face pendant la journée et n’avait pas arrêté de regarder Ian. Il avait vraiment eu peur à un moment, alors qu’il s’était levé et s’était dirigé vers lui, avant de bifurquer et de partir en baissant la tête. Ça l’avait tellement marqué que le besoin de dessiner l’homme lui vint. Et bien sûr, son esquisse de blaireau. Quand elle complimenta ses dessins, il rougit légèrement, comme toujours. Il rougissait pour un rien. Son sourire s’élargit encore plus, et il ajouta en rigolant :

« Je t’en prie, la seule chose magnifique ici, c’est toi…! »

Il lui fit un clin d’œil quand leurs regards se croisèrent. Un ange passa un instant tandis qu’il s’appliqua à dessiner légèrement Morgana, comme il avait tant l’habitude de le faire. Il savait que quelque chose la tracassait, mais il n’allait pas la forcer à lui dire quoi. Il était pour l’aider, la conseiller, pas la forcer. Si elle voulait en parler, elle y viendrait par elle-même. La question ne le surprit pas, et il leva un œil de son dessin pour la regarder.

« Normal. Je deviens juste de plus en plus fainéant, mais ça, ça ne s’arrangera pas avec l’âge… Oh et sinon, il semblerait que les choses se soient rétablies en Kim et Thomas. Tu sais, Miss Archdeacon a encore raconté la vie de ce pauvre couple à tout le monde. Et toi ? »

C’était un couple dont-ils avaient entendus tant de rumeurs, que c’en était risible. Ils étaient au cœur des débats. Il fallait dire qu’ils attiraient l’attention : une semaine ils étaient ensemble, l’autre plus…Il soupira légèrement. Il faisait de son mieux pour se faire oublier, avec Nate. Il n’aimait pas qu’on parle de lui, et pourtant, il avait déjà entendu des rumeurs le concernant juste sous son nez. La subtilité féminine. Même sur les gens qu’ils connaissaient ; Morgana, ou Nate, parfois, mais rien de bien méchant. Il faisait de son mieux pour les faire taire à ce moment-là. Finalement, elle lui dit ce qui n’allait pas, fouillant dans son sac. Le geste n’attira pas son attention, trop perdu dans son monde de fantaisie. Il était constamment dans la lune ; le regard fixé sur un point, ne clignant plus des yeux, parfois pour quelques minutes. Ce n’est que quand un papier se posa dans sa main qu’il sursauta légèrement. Il l’observa, ses sourcils se fronçant, son sourire disparaissant lentement, prouvant sa concentration et son étonnement. Il déplia la feuille et se mit à lire, tandis qu’elle lui expliquait ce qui la rongeait. L’inquiétude et de la préoccupation se lurent facilement dans sa voix alors qu’il murmura :

« Oui, mais… Tu en as déjà parlé… à la police ? Même si ce n’est pas lui, pourquoi… ça reste de l’harcèlement, tu sais… enfin, je ne suis pas très bon dans ce domaine, mais je crois que le type qui t’envoie ça à quand même un léger problème… »

Il fit une pause, finissant de lire la dernière ligne.

« Ça fait longtemps que tu en reçois ? »

« Certaines histoires vous marquent à jamais » « Tout le monde veut devenir un cat, parce que un chat quand il est cat, retombe sur ces pattes ! Chantonna-t-elle en riant de bon coeur. » Morgana adorait taquiner Ian et ce, surtout en lui parlant des chats. Allez savoir pourquoi mais elle adorait, surtout qu'à chaque fois il mettait les pieds dans le plat en grognant. Alors Morgana était encore plus amusée et continuait ! De toute façon, Morgana savait très bien qu'il savait le prendre avec humour et n'osait jamais lui crier dessus juste pour ça. Parce que d'un côté, Morgana était tellement fragile qu'on ne pouvait pas lui faire de mal sans la briser. C'était l'un de ses traits de caractères complètement idiot, puérile et pathétique mais c'est ce que certaines personnes préféraient chez elle. « Moi ? Magnifique ? Tu mens, dis moi ! Je ne suis ni magnifique ni quelque chose d'autre qui se rapproche à la beauté ! » Elle savait très bien que les personnes qui disaient qu'elles étaient moche, généralement s'était pour se faire complimenter. Mais pour Morgana s'était différent, elle se trouvait réellement simple, sans intérêt. Quoi ? Elle n'avait que des longs cheveux noirs d'ébène légèrement bouclés qui lui arrivaient juste au dessous des omoplates et des yeux bleus profond; et alors ? Une bonne partie de la Terre entière avait des cheveux noirs, d'autres les yeux bleus. Elle ne savait pas quel intérêt les gens portaient sur sa beauté. Enfin, sur sa sois disant beauté. Il lui arrivait de se laisser faire, de ne pas contredire son interlocuteur et le laisser dire qu'elle était magnifique, sublime ou tout autre adjectif qualifiant sa beauté naturelle et blablabla. Au fond, elle aimait bien qu'on la complimente sur son apparence puisqu'elle prenait quand même un minimum soin d'elle, mais sans trop exagérer. Trop de beauté tue la beauté. Elle se pencha encore un peu plus sur le dessin et lorsqu'il prit la parole, elle pouffa doucement. Elle savait que ça ne le vexerait pas, d'avoir pouffé et puis, de toute façon, ce qu'il venait de dire l'avait fait rire. Fainéant, lui ? Quand il se levait tard : oui il l'était et ça amusait Morgana de se moquer de lui comme ça, puisqu'elle était une sacré lève tôt : elle pouvait par exemple se coucher à minuit et à cinq heure et demi, être debout. Son horloge biologique était faite comme ça et c'était une habitude, telle que lorsqu'elle ne dormait peu, elle était quand même en forme. « Toi ? Devenir de plus en plus fainéant ? Ça ne m'étonne même pas ! Ajouta-t-elle d'une voix amusée » Son sourire s'élargit et lorsqu'il lui parla une nouvelle fois de Kim et Thomas, avec leur histoire d'amour compliquée, elle se tapa doucement le front. Elle n'avait pas besoin d'une histoire compliquée en cette fin de journée. Après un long lundi de cours, elle voulait penser à autre chose qu'à leur couple. Et puis, formaient-t-ils vraiment un couple ? Ils n'arrêtaient pas de se disputer et se remettre ensembles, comme des adolescents en pleine puberté. Au collège ou au lycée, lorsqu'ils changeaient de compagnon tous les deux jours. Changer d'amoureux comme de chemise. Morgana trouvait leur attitude telle quelle et puis, il faudrait qu'elle en bouche un coin à cette madame Archdeacon et son chien à la noix (qui soit disant passant, n'arrêtait pas d’aboyer, si bien qu'un jour, Morgana était venu sonner chez cette dame pour lui demander de faire taire son chien...à trois heures de matin et oui, c'était ça d'avoir madame Archdeacon comme voisine et ce n'était pas marrant tous les jours). Morgana trouvait que raconter des histoires sur tout le monde n'était pas très agréable. Surtout quand on faisait partie de cette rumeur (et heureusement, cette fois-ci ce n'était pas le cas de Morgana, qui aurait ouvert sa bouche si ça avait été le cas). Morgana avait souvent été victimes de rumeurs sur elle et Lucas, concernant leur couple. Ian l'avait toujours dit à Morgana, car même si ça lui faisait du mal d'être dans une rumeur, elle préférait être au courant. Même si, soit disant passant, l'information ferait rapidement le tour de Quantico qui était une petite ville. Et c'était une des nombreuses raisons sur le pourquoi du comment, Morgana avait horreur d'être dans une rumeur, ce qui était tout à fait compréhensible. L'une des autres raisons était le regard des autres. De la pitié ou de la haine, passant par de la honte. C'était vraiment pathétique le jugement des gens sans savoir la vrai cause. « Encore ? Ils ne font que ça : se remettre ensemble, se disputer, se remettre ensemble...Olala, ça devient compliqué leur histoire ! » Morgana poussa un long soupire avant de reprendre : « Moi, ma journée ? Comme d'habitude. La routine des cours. J'ai commencé par deux heures de français, une bonne heure d'Italien, ensuite une heure d'Espagnol. J'ai eu mon habituelle pause entre midi et une heure et demi ensuite j'ai repris les cours jusqu'à seize heures. Je suis resté un peu pour corriger des copies et j'ai directement filé au parc pour te voir ! La routine, quoi ! » Oh, vous savez, elle y était habitué à cette monotonie. Tous les jours, se lever à cinq heures et demi, pour partir à six heures et demi, arriver à sept heures au lycée, préparer la salle pour les cours, quelques fois corriger les copies et aller parler à ses collègues, ensuite elle avait toute une matinée de cours, le midi elle rejoignait ses collègues et mangeait avec eux, après c'était repartie pour des cours jusqu'à seize heures et généralement elle restait jusqu'à dix-sept heures pour corriger des copies. C'était ça la vie de professeur de lycée. Oh et puis, Morgana ne s'en plaignait pas, elle aimait ce qu'elle faisait, elle aimait apprendre à ses élèves et les voir les yeux fixés sur elle à boire ses paroles. Lorsqu'il lui parla des lettres qu'elle avait reçu, elle baissa les yeux, trouvant subitement ses chaussures plus intéressante qu'autres chose. Une boule se forma dans son ventre et les larmes commencèrent à briller dans ses yeux. Elle sentit une main se poser sur la sienne et frissonna doucement. Voilà pourquoi elle lui en parlait : il était présent pour elle. Bien sur, elle connaissait beaucoup d'autres personnes qui seraient la pour elle, mais lui ce n'était pas la même chose... « Non, j'en ai parlé à personne...sauf à toi. J'en ai même pas parlé à Lucas. J'ai trop peur... » Un exemple d'une personne qui serait là pour elle : Lucas. Son petit ami. Elle était vraiment très amoureuse de lui, et d'ailleurs ils vivaient ensemble. Si bien qu'Ian le connaissait, de vu puisqu'à chaque fois qu'il passait, Lucas rentrait du boulot quand l'ami de Morgana partait. Enfin bon. Peu importait : ils étaient tous deux là pour elle et elle savait qu'elle pouvait avoir confiance en eux. Le problème était que Lucas étant flic, elle ne voulait pas qu'il se lance dans une enquête juste pour elle. « Ça fait un an, à peu près. » Elle tapa du pied, entortilla ses doigts et attendit une réponse de son amie, sachant qu'il allait la disputer. « Au début, je ne prenais pas ça au sérieux mais depuis quelques temps, elles sont de plus en plus violentes ... »

« Tout le monde est piqué de c’pas si bien rythmé ; tout semble auprès lui très démodé ! ajouta-t-il en rigolant.»

Les Aristochats, c’était son enfance. Combien de fois n’avait-il pas regardé ce film les étoiles plein les yeux, chantant les chansons en même temps que les doubleurs ? Si bien que pour lui, la pire punition qu’on puisse lui infliger était de le priver de Walt Disney. Il les connaissait tous par cœur ; et c’était eux qui avaient contribués à son envie de devenir dessinateur, d’ailleurs. Une lumière de joie s’alluma dans son regard chocolat quand les paroles se mirent à résonner dans sa tête. Et soudainement, il savait quel film il regarderait ce soir. Elle le taquinait - il le savait. Mais tout comme elle savait qu’il ne se mettrait jamais réellement en colère contre elle. Elle lui rappelait vaguement sa sœur, dans sa façon d’agir avec lui. Toute cette tendresse, ces moqueries, qui lui avaient été enlevées quand il était jeune, se trouvaient là, au fond de Morgana. Un sourire nostalgique prit place sur son visage tandis qu’il dessina deux enfants qui jouaient dans un jardin. Combien il aurait donné cher, à ce moment-là, pour se souvenir ne serait-ce que du visage de sa sœur. Mais son habituelle bonne humeur lui revint vite en entendant Morgana.

« Arrête d’être si modeste… Tu crois que j’aurais pris quelqu’un d’horrible pour être mon modèle ? Merci, mais je ne suis pas Picasso… »

Pas qu’il n’aimait pas Picasso. Quand il dessinait vraiment, c’en était bluffant. À tel point que quand on voyait les dessins qu’il faisait à cinq ans, on pouvait se demander : « Mais qu’est-ce que j’ai fait de ma vie ? ». C’était juste que, ses dessins étaient… étranges. Il avait passé beaucoup d’heures à les observer en ce demandant ce qu’il avait voulu faire passer par cela. Mais après tout, l’art était quelque chose de relatif, chacun y voyait sa propre interprétation. C’était ce qu’Ian voulait faire passer dans ses dessins. Tout le monde a une vision différente du monde et de ses habitants, rien n’est défini. Chacun a sa propre histoire, chacun a eu des problèmes comme de la joie dans sa vie. Son autre modèle préféré était Nate. Il passait des heures à l’observer dormir, rire, vivre en général. Bien qu’il savait qu’il ne pourrait jamais réellement recréer les traits parfaits de son visage. À nouveau, il se mit à dessiner ses pensées, et le visage de son petit-ami prit place sur la feuille. C’était compulsif chez lui. Pas besoin de se demander à quoi il pensait, tout se trouvait sur du papier. Il secoua la tête à la remarque de Morgana. Ce n’était pas comme si c’était un secret : il était paresseux, tandis qu’elle était très énergique. Il fallait le tirer du lit, tandis qu’elle tirait les autres du lit. Il lui lança un regard en coin, un sourire amusé sur les lèvres. Puis il se redressa, prenant un air vexé, se tourna vers elle et lui tira la langue d’une manière puérile. C’était un grand enfant, après tout.

« Hm ! Je ne suis pas fainéant. J’aime juste beaucoup dormir, dit-il en lui faisant un clin d’œil. »

Leur conversation changea, pour se poser sur Kim et Thomas. Un sourire moqueur sur le visage, il fit un petit « tss-tss-tss ». Il déposa son carnet à côté de lui, croisant les bras, le regard sur le sol, mais le détourna vite vers le visage aux traits angéliques de son amie. Les rumeurs courant sur eux étaient tellement fréquentes, qu’il était sûr d’entendre parler au moins une fois des jeunes personnes. Ça ne l’ennuyait plus. À vrai dire, la première fois qu’il entendit des rumeurs, il fut légèrement choqué : de quel droit Miss Archdeacon s’introduisait-elle dans la vie dans gens comme ça ? Et il avait voulu l’arrêter, lui dire que c’était mal poli. Mais en y réfléchissant à deux fois, il allait passer pour celui qui écoutait aux portes. Il n’aurait pas du entendre leur conversation, après tout. Il se contenta de se faire tout petit. Et d’écouter ce qu’elle avait à dire sur son couple favori. Il avait déjà eu l’honneur de les croiser ; ce n’était pas compliqué de les reconnaître, vu qu’une dispute commença en plein dans le parc, et que quand Kim partit, l’air fâché, Miss Archdeacon avait jeté les bras en l’air et dit : « Encore ! » avec un air d’exaspération profonde. Mais au fond, il savait que ça l’arrangeait - elle saurait quoi raconter à ses commères.

« Je suis d'accord, à se demander s’ils s’aiment vraiment. Je suppose que oui, au fond. Ils ont juste… Une drôle de façon de se le montrer, rigola-t-il. »

Elle lui parla de sa journée, au travail ; un horaire comme beaucoup d’autres, en étant prof. Il ne savait parler que l’Anglais, comprenait le Français et l’Espagnol, mais c’était vraiment minime. Ça se limitait à : « Holà, que tal ! Tacos ! Burritos ! », donc il l’admirait vraiment. Il fronça quand même les sourcils.

« Et comment fais-tu pour être en pleine forme ? Je veux dire, moi j’aurais déjà fait un malaise à cause de l’exercice… se lever si tôt, ça devrait être interdit… »

Sa journée se limitait à traîner en pyjama chez lui, aller au parc, dessiner, donner ses cours. Nate se moquait souvent de lui à cause de ça. Il fallait dire qu’il partait vers onze heure du matin, pour rentrer à dix-huit heures, lui ! Son horaire n’était pas forcément chargé, mais ils avaient très peu de temps à deux. Ils se croisaient. Quand l’un rentrait, l’autre partait. Heureusement, ils se voyaient pour la soirée. C’est pour ça que dès que son ami avait une journée de congé, il ne dessinait pas, ne donnait pas cours et ne sortait pas. Il passait la plupart du temps dans ses bras, avec le sentiment qu’il pourrait vivre comme ça jusqu’à sa mort. Un sourire illumina son visage à la pensée, ainsi qu’une légère teinte de rouge sur ses joues. Mais ce moment fut brisé par les lettres que Morgana recevait - et c’était bien plus important que ses divagations sur son couple. Elle semblait vraiment bouleversée par toute cette affaire, et qui ne pourrait pas la comprendre ? Il était concerné, il se sentait mal, il voulait l’aider. Et il ne pouvait rien faire, mis à part jeter un crayon de dessin à la tête de son harceleur s’il le croisait. Probabilité que ça arrive ? 0,0001 %. Il posa une main sur la sienne, un geste qui se voulait rassurant, lui souriant faiblement, comme pour lui dire qu’il était là. Quelque chose le tourmentait : pourquoi n’en avait-elle pas parlé à Lucas ? Ils étaient en couple, non ? Et il était policier, qui plus est ! Mais elle devait avoir une bonne raison de ne pas l’avoir fait. Cependant, ses lèvres remuèrent toute seule avec qu’il dit dans un soupir :

« Mais… Lucas est policier, non ? Il pourrait t’aider… Au moins te protéger. Je ne suis pas ce qu’on peut appeler un mec imposant, je ne te serais pas d’une grande aide en cas de besoin… Tandis que lui… En plus, il est amoureux de toi. Il le ferait volontiers. »

Il ne connaissait le garçon que de vue, mais il lui semblait que c’était quelqu'un de confiance. Si quelque chose arrivait à Morgana, sa Morgana, il ne savait pas ce qu’il ferait. Il n’irait sans doute plus jamais au parc, et pleurerait tout ce qu’il pouvait pleurer. C’était pourquoi il ne voulait pas qu’on touche ne serait-ce un cheveu de sa protégée. Et il savait que celui qui serait le plus à plaindre dans ce moment-là, serait Lucas, justement. Perdre son âme-sœur, c’était affreux pour celui qui restait derrière. Il serra un peu plus sa main, pour la réconforter, et surtout pour se réconforter lui. Elle était vivante, il n’y avait pas de soucis à se faire, elle allait bien. Il voulait se prouver qu’elle était assise à côté d’elle ; leurs mains accrochées l’un à l’autre étaient ce lien qui le reliait à la réalité, entre son monde de craintes et la douceur de la peau de son amie.

« Un an ? Tu aurais du m’en parler plus tôt ! »

Une colère sans nom se propageait à l’intérieur de lui. Non pas de la colère envers elle, mais envers cet homme qui la traquait. Submergé par ce sentiment, il retira sa main de la sienne, fermant les yeux et la portant à ceux-ci. Ses sourcils se froncèrent et un rictus déforma son visage pourtant toujours joyeux. Il sourit légèrement, et ajouta :

« Donne-moi une seconde. Je n’ai pas envie d’élever la voix contre toi. »

Elle savait qu’il avait un problème de colère. Du moins, il espérait. Comptant jusqu’à dix mentalement, il finit par soupirer et dire :

« Je comprends, mais tu aurais sincèrement du en parler plus tôt à quelqu’un. Et puis… de quoi te parle-t-il principalement dans ses lettres ? Est-ce que tu as l’impression qu’il te connait personnellement, ou juste de loin ? »