« une histoire qui forge »
Evie, dépêche-toi, nous allons être en retard !Oui maman ! Répondis-je à ma génitrice alors que je m’asseyais sur ma valise pour essayer de la fermer. Aujourd’hui, c’était le grand jour. J’entrais enfin dans l’une des plus grandes écoles d’Ecosse, la Art School Academy. J’avais 15 ans et énormément de rêves en tête. Je me voyais déjà sous les feux de la rampe, acclamée par des milliers de spectateurs venus des quatre coins du monde pour m’acclamer. Rien qu’en parlant de cet établissement à mes amies, j’avais des paillettes dans les yeux, des sourires éblouissants.
J’ai dévalé avidement les escaliers en riant aux éclats, ma lourde valise de traînant lamentablement derrière moi. Son poids aurait pu aisément dépassez les dix kilos mais je partais deux mois loin de ma famille, vivre ma vie, réaliser mes rêves les plus fous.
Nous sommes arrivés ma chérie ! Dit alors mon père en se tournant vers moi, les yeux teintés de rouge. Je déglutis avec peine, n’arrivant pas à effacer la boule qui stagnait dans mon ventre. J’avais les mains moites et le regard fuyant. Alors, ça y est, j’y étais. Mais je ne voulais pas faire un pas de plus. J’avais peur. J’étais terrorisée à l’idée de savoir ce qui se trouver entre les murs de ce bâtiment. Et si je ne me faisais aucune amie ? Que deviendrais-je, moi la fille sociable et généreuse ?
J’ai lancé un regard à ma mère qui me souriait en ouvrant la portière. La main tremblante, j’ai détaché la ceinture de sécurité pour poser un pied sur l’asphalte d’un gris foncé. Une main s’est osée dans mon dos tandis que j’avançais vers les grandes portes en verre, frontière d’une nouvelle étape. Les larmes ont commencé s’écouler sur ma peau tandis que je respirais une dernière fois le parfum de ma mère. Je n’aurais jamais pu me douter qu’il me manquerait autant par la suite …
Bien, détends encore plus tes hanches, on dirait une planche de bois !Je sentais ses mains sur mes hanches et son souffle caresser ma nuque. J’étais dans l’école depuis plus d’un mois et j’avais quelques difficultés à suivre les cours de danses latines tellement le niveau était élevé. Alors, Alejandro, mon prof, me donna des cours particuliers. Jours après jours, je commençais à sentir que le travail payait. Je devenais plus souple. Mais, soir après soir, il devenait de plus en plus exigeant, se collant de plus en plus à moi car « la danse latine est la danse du corps, une harmonie entre deux danseurs est primordiale. » Je l’écoutais et le laisser se coller à moi jusqu’au moment où ses lèvres touchèrent la peau de mon cou et où je me retournais pour l’arrêter. Mais, hélas, je ne faisais pas le poids et il m’immobilisa d’un simple geste.
Si tu cries ma jolie, ç’en est fini de toi ici !J’ai pris ses menaces au sérieux et l’ai laissé faire en retenant des larmes amères. Il me caressait sans aucune gêne mais n’alla pas plus loin. Heureusement d’ailleurs. Lorsque je vis mes parents, je leur cachais tout, prétextant une immense fatigue pour ne pas tout leur déballer. Hélas, j’aurais dû avant que ma vie ne bascule encore plus dans une nuit sans fin.
Je sentais sa poigne sur mon bras qui me laisserais probablement des bleus par la suite. Il m’entraînait à sa suite dans les couloirs de l’établissement désert, me promettant monts et merveilles, choses auxquelles je ne croyais pas. Voilà plus de cinq mois que j’étais devenue son jouet, me laissant faire comme il me le demandait sous peine de m’en faire voir de toutes les couleurs.
Monte dans cette bagnole !Mais il me poussa avant que j’ai pu esquisser un geste, m’affalant de tout mon long sur le siège arrière. Un bâillon et un bandeau se placèrent sur mon visage tandis que son haleine fétide me rehaussa le cœur. Il sentait l’alcool, le tabac et le café. Puis un bruit de moteur et des balancements qui, dans les virages, m’amenaient à me cogner contre les portières.
Le trajet sembla durer une éternité mais, enfin, je sentis l’air frais sur ma peau échauffée. Il me traîna à nouveau à sa suite, me fis monter des marches et, enfin attachée à un siège, m’enleva les morceaux de tissus. J’étais dans un avion qui semblait lui appartenir. Un frisson me parcouru l’échine alors que nous prenions de l’altitude dans le ciel de l’Écosse. Où allais-je donc ?
Les heures se succèdent avant que je ne retrouve cette écharpe noire. Encore le bruit d’un moteur, encore des coups de portières et l’on m’installe enfin sur une chaise, ligotée par je ne sais quelle chose. Il me déshabille à sa guise, examinant mon corps avec avidité. Ses doigts laissent une trace de brûlure sur ma peau à cause de la cigarette qu’il tient. Je réprime des gémissements alors que de l’eau s’échappe de mes yeux. Il s’empresse alors de se déshabiller et de se frotter à moi, m’entamant la chair avec son couteau pour que le sang se répande sur nos deux corps. J’ai froid, j’ai mal mais je ne peux rien faire à par crier ma souffrance, chose qui le fait rire et l’amuse.
Je ne sais combien de temps je suis restée chez lui. Dix mois, un an ? Je n’en ai aucune idée. Mais j’ai la certitude que j’étais sa préférée de toutes. Il me faisait assister à ses crimes. Il s’amusait à en torturer certaines jusqu’à les tuer. Je ne comprenais pas pourquoi il me laissait en vie et je ne voulais pas le savoir.
Mais, un jour, il cassa sa routine. Il me prit, me détacha, me fit revêtir un maillot de bain et me mit dans une caisse en verre, m’enfermant dedans. Je voyais son rire s’étirer sur ses lèvres alors qu’une eau limpide se répandit à mes pieds. Il vit à l’air qui se dessina sur mon visage que j’avais compris ce qui allait se passer. J’avais beau taper sur la paroi, je n’avais pas assez de force pour la briser. L’eau m’arrivait à la taille, mes mains étaient ensanglantées mais je n’avais toujours pas d’issue. J’étais faite. J’allais mourir noyée. Alors, avec un regard de défi, je me suis assise au fond du bac, laissant l’eau emplir mes poumons et la vie quitter mon corps. Je voyais à son rictus que je son plan ne marchait pas. Je ne l’excitais pas à ne pas me plaindre ou me battre contre un espoir qui aurait été vain. Puis, je ne sentis plus rien. C’était la fin.
***
Très bien mademoiselle, vous pouvez y aller. Me dit d'un ton condescendant l'agent qui venait de m'interroger. A présent, je suis âgée de 23 ans. Deux ans que je suis sortie de cet Enfer et deux ans que son procès dur et que je répète inlassablement mon histoire à qui veut l'entendre. Une pluie finie s'abat sur moi tandis que je marche dans la rue, l'esprit hanté par mon réveil à l'hôpital. Le FBI est arrivé juste à temps et a réussi à me sauver des griffes de la mort. Je ne sais pas si je devrais les remercier car, au fond, j'aurais préféré y rester. Je revis en cauchemar toutes ces années de détention. Ces sept ans de séquestration et de détention. D'autres ont été sauvées avec moi qu'il détenait pour jouer. Nous étions trois à avoir le privilège de ne pas mourir de suite. Ils nous ont dit que c'est parce que la danse latine que nous connaissions l’excitait plus que les danseuses de jazz ou de classique.
Je soupire tandis que mon souffle se perd dans l'air. Je dois avancer maintenant ...