Petit à petit, Elle s’habituait à Quantico. Elle avait longtemps fuit la ville, mais s’était décidée à revenir et avait déjà recroisé d’anciens collègues comme Derek Morgan. Si la jeune femme avait dit à d’autres personnes qu’elle était revenue ? Non, pas encore, et elle ne comptait pas le faire de sitôt… La peur l’habitait encore malgré le nombre incroyable de thérapies, de discussions avec des psychologues tous plus ennuyants et inutiles les uns que les autres, et les discussions avec Derek ou des amis proches après son « accident ». Enfin, « amis proches »… Il fallait bien avouer qu’Elle n’en avait pas des masses, voire pas du tout. D’un côté, cela lui avait permis de quitter Quantico sans regrets, mais d’un autre, elle s’était sentie plus seule que jamais durant les quelques mois pendant lesquels sa vie s’était plus apparentée à celle d’un bohème qu’à une autre. A présent, elle prenait ses repères dans son boulot actuel, apprenait à connaitre les gens et essayait de se convaincre de rester ici plus que deux ou trois mois. Changer tout le temps était une manière, pour elle, de se protéger, mais…  A la longue, c’était aussi un risque pour son état mental.

Homme – Faut pas prendre comme ça M'demoiselle ?!

Mh ? Elle était en train de ranger machinalement des livres, sans vraiment faire attention à ce qu’elle faisait. La jeune femme avait bien vu que plusieurs personnes étaient entrées dans la bibliothèque, dont des hommes à l’apparence plus que douteuse mais… A force, elle s’était habituée et avait fait tout son possible pour ne plus juger les gens sur leur apparence. Après tout, la lecture était un bien public, tout le monde pouvait lire ou emprunter des livres et cela prouvait que la lecture intéressait encore des gens, que ce n’était pas uniquement les bandes dessinées qui étaient le plus quémandées. Mais là, ça sentait mauvais. Très. Elle s’approcha de l’endroit, entendant du grabuge dans le coin. Une jeune femme, les cheveux longs et roux, arrivée quelques minutes plus tôt se faisait agresser par quelques hommes. Hum. Il fallait qu’Elle fasse quelque chose… Elle avait une arme sous la gorge, bon sang ! Par chance, elle savait se défendre et envoya l’homme en question la heurter de plein fouet mais un autre revint à la charge. Aïe. Ca tournait TRES mal. Elle, qui gardait toujours une arme sur elle depuis l’accident, s’apprêtait à la sortir lorsque la jeune femme reprit légèrement le dessus. Petit bémol : les cinq autres hommes semblaient vouloir aider leur chef.

Bon, du calme. Respirons, ce n’est rien. De plus, ils voulaient s’en prendre à Elle, chose encore plus dangereuse… Elle avait l’impression de revivre l’épisode qui l’avait poussée à quitter le BAU, exception faite qu’elle n’avait pas affaire à un psychopathe, mais à des malfrats dégueulasses à l’esprit affamé et en manque. Mais, bon sang, que faisaient-ils dans une bibliothèque ?! Des gens comme ça ne viennent certainement pas lire ! Finalement, elle aurait dû se fier à son instinct et ne pas les laisser entrer… Tout était de sa faute. Il fallait qu’elle fasse quelque chose. Absolument. Sans plus attendre, l’ancienne profiler tira son arme et la pointa sur celui qui semblait être leur chef. Instantanément, les autres furent refroidis. Mais ils ne lâchaient pas la jeune  femme pour autant.

Elle – Lâchez-la. Maintenant. Je n’hésiterai pas à tirer.

Chef – Du calme, ma jolie. On va pas lui faire de mal ! On voulait juste s’amuser un peu.

Elle – Maintenant.

Le chef la regarda, puis regarda la jeune femme pour finir par regarder le reste de sa bande. Apparemment, ils n’avaient pas compté tomber sur une employée armée. Pas du tout. Certes, Elle aurait pu tout simplement prévenir Derek, mais… Inutile. Ce n’étaient que des voyous, alors pas besoin d’ameuter le quartier pour si peu. La panique se lisait dans les yeux de l’agresseur qui tenait la jeune femme en respect, mais… Il ne semblait pas vouloir lâcher prise pour autant.

Chef – Sinon quoi ?

Elle – Sinon je tire. J’ai déjà prévenu la police, ils ne vont pas tarder à arriver.

Chef – Tu bluffes.

Elle – Ah oui ? Je sais comment vous pensez. Vous n’êtes qu’une bande de malfrats voulant attaquer les femmes sans défense. Vous n’aimez pas vous sentir en infériorité, c’est pour ça que vous vous déplacez à plusieurs. Je vous connais bien plus que ce que vous ne le pensez. Je bluffe toujours ?

Le chef semblait être complètement désarçonné. Mais cela allait-il suffire pour qu’il lâche la jeune femme et parte sans faire d’histoire ? Jamais Elle n'aurait cru pointer une arme sur quelqu'un un jour depuis ce qu'elle avait vécu. Jamais elle n'aurait cru avoir à analyser une nouvelle fois un comportement pareil. Et pourtant...

Femme – FBI ?!! Laissez cette employée tranquille espèce de vieux débris !

… FBI ? Bon sang, mais Elle ne voulait plus les voir pour l’instant ! Certes, elle n’aurait pas dû intervenir si elle avait voulu rester en dehors de toute cette histoire, mais la jeune femme n’aurait jamais pu laisser une cliente, une innocente se faire attaquer alors qu’elle n’avait rien fait ! Par chance, ce qu’elle venait de dire, tout en pointant son arme sur l’homme qui menaçait Elle, avait apparemment fait son effet et découragé le malfaiteur. Il semblait bien plus hésitant qu’avant… A présent, Elle aurait pu jurer qu’il tremblait intérieurement, ou qu’il allait partir en courant dans les minutes qui allaient suivre. Ou les secondes, en fait. Ce genre de personnes ne veut pas mourir, peut-être font-elles les dures pour impressionner leurs victimes et avoir ce qu’elles veulent mais, dès lors que la victime s’oppose à elles, tout s’écroule et leur détermination s’envole en un clin d’œil. Trois… Deux… Un…

Malfrat – D’accord, d’accord ! C’était une petite blague, hein, rien de méchant. On oublie ?

Elle – Dégagez.

L’homme allait riposter mais, voyant deux armes pointées sur lui, il se ravisa et partit en courant de la bibliothèque. Elle poussa un soupir, retenant ses tremblements, tentant d’ignorer la peur qui avait surgi, le sentiment quotidien qu’elle avait connu durant des années. Cependant, il fallait qu’elle réagisse, qu’elle fasse quelque chose plutôt que de rester choquée comme cela. Un peu avant, Elle avait remarqué que son « alliée » avait agi comme… Un agent de police. Ou, comme quelqu’un qui était dans les forces de l’ordre, tout du moins. Elle aurait très bien pu ne pas agir et rester loin de tout cela, la jeune femme s’en serait probablement très bien tirée sans elle. Enfin, soit. Quoi qu’il en soit, Elle devait aller à son encontre pour voir si la blessure que la jeune femme avait à son bras n’était pas trop grave, et surtout, pour éviter de rester paralysée face à ce qu’il s’était passé. Dieu, qu’elle avait bien fait de garder une arme sur elle… Depuis l’incident, elle ne la quittait plus, même si cela était un gros risque à prendre parfois. S’approchant de la femme, regardant de plus près la blessure tandis qu’elle la ramenait près du comptoir pour la soigner, Elle lui dit :

Elle – Je vous emmène à l’arrière pour vous mettre un bandage avant d’aller à l’hôpital. Je suis désolée, c’est la deuxième fois ce mois-ci…

Tout ce sang… Ne pas craquer. Ne pas craquer. Ne pas craquer. Elle serrait les dents sans s’arrêter pour autant, décidée à ne pas laisser le choc et l’imprévu la désarmer à ce point-là. Agent de police ou pas, cette jeune femme avait besoin d’aide et devait être soignée. Mais elle n’en était pas capable, et si elle n’y arrivait pas, ou si elle faisait mal le bandage en question ? Se ravisant à la dernière seconde, Elle se tourna vers la jeune femme en disant :

Elle – Je vais plutôt vous conduire à l’hôpital directement, j’ignore si c’est profond ou non et… Je suis désolée, mille fois désolée.

Bon, du calme. Elle n’était pas du tout méthodique pour l’instant, il fallait d’abord qu’elle se calme et qu’elle analyse la situation. La jeune femme en face d’elle était blessée, le couteau toujours dans son bras. Bon, déjà, il ne fallait surtout pas le retirer. Ensuite… Ensuite quoi ? Réfléchis ! Aller à l’hôpital. C’était la seule chance pour ne pas faire de conneries.