Si loins, et pourtant si près...(Spencer)

Le boulot avait enfin commencé. Papa et moi nous étions mis en lien avec un dealer local réputé et avions entamé les négociations pour avoir notre territoire à nous. Il fallait dire que la famille Leonneti était reconnue bien au-delà des frontières new yorkaises, et j’étais certaine que d’ici peu nous aurions le monopole sur le marché de la drogue à Quantico, et même probablement sur une large partie de la côte est, car après tout c’était déjà presque le cas. La journée avait été longue et fastidieuse, car je devais bien admettre que les négociations, la diplomatie, et bien ce n’était pas du tout mon truc. J’étais plutôt une femme d’action, de terrain, préférant largement régler les petits différents qu’on pouvait avoir avec nos « concurrents », ou encore mettre la pression à des macs trop gourmands. Ah si, niveau négociations j’aimais assez gérer ce qui concernait l’achat et la vente d’armes, parce que, bien souvent, cela pouvait se régler de manière explosive, ce qui me ravivait !

En cette toute fin d’après-midi, j’avais ainsi besoin de m’aérer un peu la tête, et, ne connaissant pas encore grand monde dans cette ville, je décidais d’aller faire un tour dans l’un des centres commerciaux que comptait Quantico. Après avoir flâné dans quelques boutiques, et acheté quelques tenues, je décidais d’aller me poser devant un moka. Je m’amusais à regarder passer les gens, me demandant quels vilains petits secrets ils pouvaient cacher, car oui, on avait tous des cadavres dans nos placards. C’était devenu plus ou moins instinctif ; dans mon « boulot », j’étais amenée à mieux cerner, mieux connaître, mieux anticiper les comportements de mes « cibles » ou encore de mes clients ou employés. Mon travail comprenait une composante psychologique que je m’étais efforcée de développer seule en lisant de nombreux livres, ou en suivant quelques conférences lorsque j’étais à New York. Je m’étais d’ailleurs dit qu’il me faudrait voir ce qui se faisait ici, parce qu’après tout, Quantico était en partie connue pour être « la terre » du FBI, et notamment des profilers… Ca pourrait être intéressant d’aller à l’université quand ils devraient y faire des interventions….

Avalant une gorgée de moka, ces pensées dans lesquelles j’étais plongée me firent penser au forum que je fréquentais depuis quelques temps. En flânant sur le net, j’avais récemment trouvé un site où on pouvait échanger sur différents domaines : littérature, cinéma, faits d’actualité… Et oui, même si je passais le plus clair de mon temps à co-diriger d’une main de fer un empire mafieux, je m’intéressais à bien d’autres choses et, ne pouvant, ne voulant, pas me lier aux autres dans le « réel », échanger sur la toile, sous couvert de l’anonymat, m’arrangeait bien ! Il y avait en particulier un internaute avec lequel je discutais ; il était des plus intéressants, et je devais bien reconnaître que ces échanges, qui étaient autres que « professionnels », me faisaient le plus grand bien. Prenant mon téléphone rangé dans l’une des poches de ma veste, je me connectais au forum, et constatais qu’il était là. Esquissant un sourire, j’entamais la conversation, la débutant comme nous en avions pris l’habitude par une citation tirée d’une œuvre littéraire :

MockingJay dit : « Tout ce que nous avons à décider, c’est ce que nous devons faire du temps qui nous est imparti"

J’attendais ensuite sa réponse, qui allait sans nul doute pas tarder, du moins je l’espérais…

❝ Nous portons tous des masques, mais vient un temps où on ne peut plus les retirer sans s'arracher la peau (André Berthiaume) ❞

feat. Sarah Leonneti

Une énième enquête les avait poussé au Texas suite à une série de meurtre par empoisonnement. Le profil ciblait un homme âgé de 35 ans, occupant un poste à responsabilité, qui arborait une vie merveilleuse en apparence : le suspect devait être en réalité malheureux mais doté d'une grande intelligence. Méticuleux, il ne laissait aucune trace jusqu'à ce que sa psychose dégénère pour, finalement, lui faire connaitre une erreur ayant permis de remonter jusqu'à lui... Ou plutôt elle. Car le suspect s'avéra être en réalité une femme. Tuant de sang-froid, sans une once de remord, quand son esprit se plongea davantage dans l'abîme, elle assassina d'une balle en plein cœur une femme enceinte, supprimant ainsi deux vies en même temps.

Spencer se demandait comme des personnes censées représenter la douceur, l'élégance pouvait commettre de telles horreurs : si on se plaçait seulement du point de vue du stéréotype, les hommes était ceux qui faisait preuve de force, de violence, soumettant les femmes. Pourtant Spencer s'interrogeait. Oh ! Bien sûr, il savait que trop y penser risquait de le rendre fou comme son ancien mentor Jason Gideon alors le génie du F.B.I trouvait divers exutoires. Se plonger dans les livres, fouiner dans les bibliothèques ou parfois aller dans un cyber-café afin de se connecter à un forum de discussion.
Récemment, il avait commencé à échanger avec une personne dont le pseudonyme s'avérait être « MockingJay ». Normalement, il parlait à Faith mais celle-ci ne répondait plus et l'inquiétude prenait place petit à petit... Alors il se discutait avec cet inconnu. Peut-être que son interlocuteur pourrait l'aider à y voir plus clair concernant Faith ? Justement, Spencer devait faire quelques courses alors il alla au centre commercial puis, en ayant pris l'habitude, passa d'abord au cyber-café afin de se connecter au forum.

MockingJay dit : « Tout ce que nous avons à décider, c’est ce que nous devons faire du temps qui nous est imparti »

J.R.R Tolkien, le Seigneur des Anneaux... Toujours une citation pour débuter les échanges. C'était une habitude que le génie du F.B.I appréciait. Il esquissa un sourire. Cependant son esprit s'accrochait un peu trop à Faith aujourd'hui donc Spencer oublia de répondre par une citation lui aussi, enchaînant directement par quelque chose qui le turlupinait depuis le début :

Dr.TeslaBell dit : « Sais-tu qu'il y a exactement trente-quatre espèces d'oiseau moqueur ? Ils font partis de la famille des Mimidae, de l'ordre des Passeriformes, vivant dans des zones néartiques et néotropicales ? Alors qu'est-ce qui t'a fait choisir ce pseudo ? Qu'est-ce qu'il représente pour toi ?»

A l’heure numérique, nombreux étaient ceux qui interagissaient via la toile, sans jamais pour autant se rencontrer dans le « monde réel ». J’aimais l’idée de pouvoir communiquer avec autrui sous couvert de l’anonymat. Dans la réalité, j’avais finalement presque toujours été quelqu’un de solitaire, me liant très peu aux autres. Enfant, j’avais une amie ; elle s’appelait Claudia, et on était inséparable, tout le temps collées l’une à l’autre. Et puis un jour, les parents de Claudia ont, comme tous les parents, entendu les nombreuses rumeurs qui couraient au sujet de ma famille, et Claudia n’a plus eu le droit de jouer avec moi. J’ai ensuite changé d’école, intégrant un établissement privé, et jamais plus je n’ai eu d’amis. J’ai très vite compris que personne n’accepterait ma famille, l’aimerait, alors j’ai décidé que tous ces gens ne méritaient pas mon amitié, et qu’il valait mieux que je reste seule. Je comptais ainsi parmi les « marginales », et ça m’allait très bien.

En plus des cours, j’étais les arts martiaux, la manipulation d’armes diverses, et je participais à de nombreux concours de tir à l’arc. J’avais une vie bien remplie, dans laquelle finalement je n’avais pas besoin d’amis. Ok, parfois j’avoue qu’il m’arrivait d’envier ces filles qui étaient invitées à toutes les fêtes et qu’on traitait comme des reines, mais jamais je n’ai cherché à devenir l’une d’entre d’elles, tout simplement parce que cela ne correspondait à mon mode de vie, et que je voyais bien plus loin que le bal du lycée. Je savais comment allait évoluer ma vie, et je faisais en sorte de mettre toutes les chances de mon côté. Cependant, en plus des domaines qui allaient me servir dans le monde professionnel qui allait devenir le mien, je passais aussi beaucoup de temps à lire et à regarder toutes sortes de films et de séries. Que voulez-vous, quand on n’a pas d’amis, il faut occuper son temps comme on le peut, même si ce temps est relativement court…

Toujours est-il qu’internet m’a ainsi permis d’échanger sur divers sujets, avec des personnes ayant des centres d’intérêts similaires aux miens, en dehors du crime cela va sans dire. Mon interlocuteur finit par me répondre, non pas par une autre citation, mais par l’un de ses cours dont il avait le secret. J’étais persuadée que ce mec était une tête, qu’il ne se contentait pas d’aller sur wikipédia pour me lancer tous ces trucs. Je souris, lui répondant finalement :

MockingJay dit : Comment fais-tu pour en savoir autant sur tant de sujets différents ? Aurais-je à faire à un géni ?!! Et bien je dirai que c’est un animal dont on parle peu et qui pourtant n’est pas dénué d’intérêt. Il est capable d’imiter d’autres oiseaux à la perfection. J’aime cette capacité de s’approprier l’autre dans un certain sens. C’est comme s’il apprenait à le connaître pour être en mesure d’acquérir ses caractéristiques. C’est un oiseau intéressant, emprunt de mystère, un peu comme moi finalement !! Je n’ai pas eu droit à ma petite citation habituelle. Est-ce que ça va ?

C’était assez étrange ; je devais bien avouer que ces échanges étaient plaisants, agréables même. C’était assez inhabituel pour moi, qui étais plutôt du genre farouche, sauvage. Le fait était qu’au fil des échanges un vrai dialogue s’était installé entre nous ; nous apprenions à nous connaître, du moins d’une certaine façon, et Dieu seul savait où tout ça pourrait nous mener ! C’était aussi ce qui rajoutait de l’intérêt à tout ça ; pourrais-je apparaître à ses yeux d’une autre façon ? Ce petit jeu pourrait-il révéler un tout autre aspect de ma personnalité ?

HJ: Désolée pour le retard

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