Jour de congé, jour de beau temps, jour de paie. Tout se mariait pour que ce fut une agréable journée et Natasha en était plus qu'heureuse. C'était probablement la raison pour laquelle elle avait décidé de faire du shopping alors que c'était loin d'être son passe-temps favoris. En effet, elle ne voyait pas l'utilité de gaspiller tout son argent pour des affaires aussi futiles qu'inutiles et passer son temps dans les magasins lui provoquait d'importantes migraines. Mais elle ne voulait pas rester chez elle à rien faire et Abigail avait emmené Allison chez sa mère, à Brooklyn. Malgré l'insistance de son amie qui lui avait proposé de les accompagner pour revoir Alexander, Natasha avait tenu à rester à Washington DC, ville où elle se sentait en sécurité, contrairement à Brooklyn. La voilà donc qui déambulait dans les rues de sa ville, allant et venant dans les magasins, manquant de s'étouffer en voyant les prix souvent exorbitant. Les vendeurs étaient tous des rapaces, même lors des soldes. Mais ça ne l'empêchait pas de leur rendre service en achetant divers babioles. Nouveau chemisier, jeans, livres sur la psychologie, encyclopédie sur le Droit, affiche de Washington DC, magasine sur les plus grands psychopathes mondiale, un autre, plus pour son plaisir personnel, cette fois-ci, sur les derniers films à l'affiche ou en tournage et les séries TV les plus regardées. Elle-même ne sait pourquoi elle les achète. Sûrement pour dire de ne pas rester les mains vides.

Elle entra dans une librairie, décidée à trouver un dictionnaire médical qui pourrait toujours s'avérer fort utile. Oui, même sans être au boulot, Natasha restait encrée dans sa profession. Au point que c'en était terrifiant. Tout comme le café, la marijuana, l'excès de travail était considéré comme une drogue. Elle n'en était pas encore au point de rester volontairement au bureau jusqu'à excessivement tard la nuit pour venir excessivement tôt le matin, mais si elle continuait à cette allure, elle se tuerait avant d'avoir atteint quarante ans. Traversant les rayons de l'immense librairie, ses sacs dans la voiture, elle attrapa un livre sur les Troubles Obsessionnels Compulsif, sujet qui la fascinait encore plus que les drogues et les tueurs en série, et repartit à la recherche du précieux dictionnaire. Une soif de savoir l'envahissait à chaque fois qu'elle mettait les pieds dans un tel lieu, et une fois qu'elle s'était mise à chercher un bouquin sur un thème qu'elle trouvait intéressant, elle ne sortait pas tant qu'elle ne l'avait trouvé. La détermination. L'une de ses qualités et un de ses défauts. Ses yeux perlés se posant sur un livre juridique, elle le prit et continua son escapade. En vain. Retenant un juron, elle alla alors à la rencontre d'une jeune femme qu'elle avait repéré un peu plus tôt, qui observait toujours le même rayon.

Excusez-moi, sauriez-vous où se trouvent les dictionnaires médicaux ?

La jeune femme se retourna et Natasha comprit sa mégarde ; elle ne travaillait pas ici. Aucun badge portant son nom ne ornait sa poitrine et son regard indiquait clairement qu'elle n'était pas libraire. Oui, l'agent du FBI l'avait rapidement profilé, habitude de travail avant de la détailler. A peine plus grande qu'elle, de magnifiques cheveux bruns qui rendaient ses yeux outre-mer encore plus étincelants, une peau blanche et parfaite, il n'y avait pas à dire, son interlocutrice était d'une rare beauté. La jeune femme blonde sortit de son observation en reposant ses yeux couleur pierre sur cette inconnue et s'excusa auprès d'elle en lui avouant l'avoir prise pour une libraire. Mais, peut-être savait-elle où se trouvait l'objet de ses recherches ?

Le journée était belle et les gens de bonne humeur, ce qui, pour Violette, voulait dire deux choses : petit un, elle allait pouvoir sortir faire un tour en ville, petit deux, elle allait enfin pouvoir acheter le livre De l’eau pour les éléphants qu’elle cherchait depuis longtemps. Sa meilleure amie n’avait dit que du bien du film, et la belle brune se doutait que l’ouvrage devait être encore mieux. C’est donc pour ça qu’elle s’était tirée du lit ce matin, avec en tête l’idée de pouvoir dévorer ce livre en moins d’une journée. Quitte à y passer la nuit, elle n’avait rien de prévu pour la semaine. Elle allait encore chercher pour être engagée au BAU, mais ça semblait peine perdue. Enfin, elle espérait toujours. L’espoir fait vivre, n’est-ce pas ? Elle avait enfilé des vêtements simples et une veste pour vite se diriger vers sa voiture. Jour ensoleillé voulait dire embouteillages, aussi ! Oui, les gens sortiraient ce jour-ci pour aller au parc ou, comme elle, au centre commercial. Mais pour elle, c’était pour un livre et après elle repartirait et l’affaire serait dans le sac ! Oui, elle détestait aller au centre commercial, surtout quand il pleuvait, parce que c’était la première option des gens. Ils ne savaient donc pas rester cloîtrés chez eux avec un bon livre ou aller travailler ? Au lieu de ça, tout les autres avaient droit à leur mine maussade. Ceci dit, elle était mal placée pour juger, elle rêvait d’avoir du travail. Mais pas n’importe où, comme à une station service. Pour l’instant elle était réduite à de petits boulots.

Arrivée au centre commercial, elle se dirigea directement vers la librairie, ne traînant pas en chemin pour regarder les vitrines. Elle détestait ce genre de filles qui restaient plantées devant des étalages six heures d’affilée à la recherche, par exemple, d’un vernis ou qui, pire, repartait sans rien. Parfois, elle faisait ça, mais alors elle s’octroyait une journée tout à ça. Oui, c’était bien Violette. Elle était peu sociable au final. Si vous la cherchiez, vous la trouviez dans un café en train de lire ou chez elle… en train de lire. Est-ce que ses occupations se résumaient à ça ? Oui certainement au final, et à ses petits boulots tels que sortir les chiens des voisins. Elle se dirigea vers le rayon des romans, observant du coin de l’œil les passants, essayant par simplement l’expression qu’il y avait sur leur visage, d’établir un début de profil. Ce n’était pas facile et elle sortait à peine de ses études. Elle se plongea donc dans sa « contemplation » des romans en tout genre, petits, grands, gros, à la recherche du livre qu’elle cherchait. Elle finit par le trouver, et, avec un sourire victorieux, se pencha pour l’attraper. Elle jeta un dernier regard aux autres livres et s’apprêtait à aller payer quand quelqu’un lui adressa la parole.

Se retournant tel un fauve, elle se retrouva face à une jeune femme aux deux yeux gris et aux cheveux d’or qui tombaient avec grâce sur ses épaules fines. Mais, ce qu’elle remarqua avec joie aussi, c’est qu’elle faisait sa taille. Oui, elle était de naturel petite et ça avait presque créé un complexe chez elle. Souriant à cette inconnue, bien que gênée, elle désigna le livre qu’elle tenait en main avec une mine qui se voulait désolée. La jeune femme s’excusa et avoua l’avoir prise pour une libraire. Elle cacha une grimace ; avait-elle la tête de l’emploi ? À vrai dire, pour elle les libraires étaient des gens très renfermés, avec une passion pour les livres, et un sens de l’humour étrange en faisant référence à un livre que personne ne connaissait. Après sa légère analyse, elle se renfrogna. Oui, elle avait la tête de l’emploi en fait, même carrément le profil. Jouant un coin de son livre, elle sourit à cette inconnue aux deux yeux de métal.

- Je ne travaille pas ici, mais… Les dictionnaires médicaux sont là-bas, dit-elle en désignant un rayon proche de celui où elles étaient.

Ses yeux couleur méthane étaient posés sur le rayon en question, toujours un sourire niais sur le visage. Remarquant qu’elle avait l’air stupide, elle reposa son regard sur son interlocutrice, avant de lâcher, comme une évidence, en lui tendant une main qu’elle voulait chaleureuse :

- Excusez-moi, je ne me suis pas présentée ; Violette Martin.

Elle pinça les lèvres en conservant un léger sourire en coin, comme pour paraître sympathique. Nous ne sommes pas l’image que nous donnons de nous même, n’est-ce pas ?

Si le ridicule tuait, il ne faisait aucun doute que le corps inanimé de la jeune femme blonde serait, à présent, étendu sur le sol de la librairie. Heureusement pour elle, son interlocutrice ne sembla pas s’offusquer. Ou elle le cacha bien. Toujours gênée par sa méprise, Natasha tourna la tête pour suivre de ses yeux métallisés la direction indiquée par la jeune femme brune. Son regard survolant de loin les différents ouvrages qui décoraient l’immense étagère, elle avait la désagréable impression de réellement passer pour une idiote, d’autant plus qu’elle était passé devant ce rayon plusieurs fois déjà. Sans remarquer que se trouvait le précieux trésor qu'elle recherchait. Lentement, et d'une voix partagée entre le rire et la gêne nerveuse, l'agent du FBI remercia son interlocutrice, avant de se retourner vers elle, pour lui faire face une nouvelle fois. Elle aperçut du coin de l'oeil sa main se tendre vers sa direction pendant qu'elle se présentait ; Violette Martin. Etait-ce un hasard si elle portait un nom de fleur alors que tout son physique respirait la douceur des végétaux aux couleurs affriolantes ? Hésitante quant à l'attitude qu'elle devait adopter après son erreur, Natasha fut reconnaissante à la jeune femme de ne pas trop s'y attarder et de faire prendre à une possible conversation un tout autre chemin. Elle finit par attraper cette poigne et la secouer par politesse, jouant du poignet avec aisance. En réalité, cette coutume de se serrer la main avait toujours rappelé une prise d'art martial à la jeune femme. C'était une prise rapide et qui permettait de neutraliser tout adversaire. Certes, si on la ratait, on pouvait aussi très facilement lui briser le poignet, voire le bras entier.

Enchantée. Natasha Williams.

Lâchant finalement la main de la brune, l'agent du FBI se retint de faire un commentaire sur la beauté de son prénom. Et aussi sur sa consonance très française. La jeune femme avait appris cette langue au collège, et l'avait rapidement continué au lycée. Cependant, cela faisait une éternité qu'elle ne l'avait pas parlé, et elle n'était plus certaine de savoir se présenter correctement. Il fallait avouer que le français était loin d'être la langue la plus simple à apprendre, et n'étant pas très utilisée aux Etats-Unis, il n'était pas rare que ceux qui avaient le courage de l'apprendre l'oubliaient peu de temps après la fin de leurs études. La jeune femme blonde s'aperçut qu'elle venait de se plonger dans ses pensées et s'en extirpa avant que son interlocutrice ne la prenne pour une folle. De plus, elle ne savait même pas si elle lui avait posé une question. Elle laissa donc un silence encore quelques secondes puis, voyant qu'elle ne rééditait pas une quelconque question, elle chercha un sujet. A cet instant, son regard se posa sur le bouquin que la prénommée Violette tenait dans ses mains. De l'eau pour les éléphants. Natasha en avait déjà entendu parler, mais sans l'avoir lu. Ni vu, d'ailleurs. Apparemment, elle ne pourrait pas échanger d'opinion sur un livre pour l'heure. C'est alors qu'elle se souvint avoir déjà croisé son chemin à plusieurs reprises, dans cette même librairie ; en effet, il n'était pas rare que l'agent fédéral vienne pour emprunter des livres de psychologie ou finaliser u exposé sur tel ou tel meurtrier, voire même tout simplement, préparer ses examens. Bien que, dans des moments pareils, elle ne s'attarde pas sur le visage des clients, il lui semblait que sa jeune interlocutrice ne lui était pas si inconnue que ça. Ca devait sans doute expliquer pourquoi elle l'avait prise pour une libraire.

Excusez-moi, vous venez souvent ici ? Je veux dire,dans cette librairie ? Parce que votre visage ne m'est pas inconnu...

Elle se mordit la lèvre, se rendant compte que sa phrase pouvait la faire passer pour quelqu'un de très dérangé. Voire, d'une psychopathe. Espérons que son interlocutrice n'appelle pas les autorités locales...