Kira Park && Ashley Seaver

Un des plus grands bonheurs de cette vie, c'est l'amitié ; et l'un des bonheurs de l'amitié, c'est d'avoir à qui confier un secret. ♠ Alessandro Manzoni

C’était samedi… Ou un jour béni pour la jeune femme. Surtout aujourd’hui ; effectivement, sa meilleure amie, Kira, l’avait invitée pour passer la soirée à deux. Il était vrai que ces derniers temps, elle ne se voyaient pas beaucoup, et Ashley s’en voulait. Elle aimait vraiment la jeune asiatique et n’avait aucune envie de la perdre. Voilà pourquoi, quand le mardi, le téléphone avait sonné et que Kira l’avait invitée, elle avait été ravie. De plus, elle avait quelque chose à lui dire. Bien sûr pas ainsi derechef, mais à glisser à un moment dans la conversation. Secret qu’elle gardait bien enfui au fond d’elle, mais ça commençait à la gêner, la perturbant quand elle croisait l’intéressé aux bureaux. Cette conversation avec William n’avait pas été si bénéfique que ça car en fait, tant qu’elle n’était pas sûre et certaine que ses sentiments étaient réciproques, elle préférait les refouler en se faisant encore plus de mal. Avait-elle des tendances masochistes ? Sans aucun doute. Mais elle se disait que si elle en parlait à quelqu’un, peut-être qu’elle serait soulagée de ce poids qui pesait sur ses épaules. Ses doigts blancs glissèrent lentement sur la pile de dossiers et de livres qui s’empilaient sur la table de la cuisine. Ils attendront, elle avait d’autres chats à fouetter aujourd’hui. Ayant revêtu pour l’occasion une robe noire, en raison du temps chaud même en soirée, elle avait aussi mis des ballerines. Elle préférait mettre ce genre de vêtements en dehors du bureau. Relevant ses cheveux en un chignon, elle vérifia qu’elle avait tout prix : des DVD’s de Star Trek et « 200 Pounds no beauty », un film coréen qu’elle savait que sa meilleure amie adorait. Elle avait apporté des chocolats en remerciement pour son amie ainsi que du vin. Ses yeux gris parcourant son loft coloré, elle attrapa une veste et un sac à main, ainsi que les quelques autres affaires, et ferma la lumière derrière elle, ainsi que la porte à clés. Kira n’habitait pas trop loin, elle se permit donc, pour la planète et pour qu’elle bouge un peu, d’y aller à pieds. En chemin, elle réfléchit à la façon dont elle allait exposer son problème à son amie. Elle savait pertinemment que son amie allait être plus qu’euphorique face à cette révélation et ça la fit sourire, en imaginant sa réaction. En chemin, son regard ne put s’empêcher de se poser sur les bâtiments du FBI qui se profilaient à l’horizon. Baissant automatiquement les yeux, elle serra un peu plus le paquet contre sa poitrine, s’imaginant amplement celui qu’elle craignait en train de travailler. Quoique, un samedi… N’empêche que ça la gênait et elle n’osait plus le regarder dans les yeux, craignant qu’il comprenne tout. C’était horrible, presque pire que pour son père. Maintenant ses cauchemars sur son passé étaient mélangés à ceux sur lui, ce qui n’était pas mieux. Elle se raccrochait au fait que si elle avouait tout à son amie, ça irait sans doute mieux. Mais elle n’avait réellement aucune certitude. Elle savait qu’en plus, il y avait cette loi de non-fraternisation et qu’il était très à cheval sur les règles. Quand bien même elle lui avouerait et même si leurs sentiments étaient partagés, elle était quasiment certainement qu’il ne voudrait pas se mettre en couple avec elle pour cette loi, lui tenant trop à son travail, tout comme elle ceci dit. Plus vite qu’elle ne le pensa, elle se retrouva face à l’immeuble de Kira. Restant bloquée quelques instants, le cœur battant en repensant à tout cela, elle s’approcha de la porte vitrée qu’elle poussa aisément. Tout en montant les escaliers, ses pensées vagabondèrent ailleurs. Une fois face à la porte de Kira, elle ferma les paupières quelques instants, se força à respirer normalement et toqua trois coups hésitants et faibles. Reposant sa main sur le sachet, elle se força à arborer un sourire joyeux. Elle l’était, mais c’était recouvert par… Par quoi en fait ? Sa douleur ?

Face à la porte, la jeune femme se remémorait tous les bonds moments passés avec Kira. Et ils y en avaient un tas, autant le dire ! Les rares fois où elles se voyaient, on aurait dit des adolescentes de quatorze ans. Pianotant, par réflexe, sur le sachet en plastique, elle attendit quelques secondes de plus. Par exemple ; le piano, c’était Kira qui lui avait appris. Autant le dire, à la fin elle étaient pliées de rire, assises en tailleur sur le sol tout en parlant de tout et de rien. Dès qu’elle voyait sa meilleure amie, un sourire apparaissait sur son visage, sourire sincère. Elle adorait passer du temps avec elle. La porte s’ouvrit, dévoilant une Kira toujours aussi radieuse. Ashley n’eut même pas le temps de dire « Bonjour » que déjà, la petite asiatique se jetait dans ses bras en criant « Unnie ! ». Avec le temps, les deux jeunes filles s’étaient surnommées, comme des sœurs. Au départ, elle était seulement « Grande sœur », puis Kira avait voulu faire plus affectif et joli, et elle était devenue Unnie. De son côté, ne connaissant aucun mot affectif dans les langues qu’elle connaissait, mis à part « Corazon » (signifiant « chérie » ou « adorée » en Espagnol) - interpellation qu’elle utilisait parfois pour la désigner -, elle plaisantait souvent en appelant Kira « Kiki ». Ça aussi, ça avait été un de leurs plus grands fou-rires. Elle ne savait pas la serrer dans ses bras, encombrée de son sachet, mais sourit.

- Hey ! Doucement, ne m’étouffe pas !

Quand la jeune femme aux cheveux ébène s’écarta d’elle, une fois de plus, elle ne put dire un mot qu’elle répliquait déjà. C’était une vraie puce. Ça, Ashley le savait. Cela changeait du bureaux et des agents au regard maussade qu’elle croisait jour après jour. Elle, elle avait toujours ce sourire sur les lèvres, cette étincelle dans les yeux et ses manières chaleureuses. Le seul regret de la belle blonde était de ne pas l’avoir connue plus tôt. Posant ses perles grises sur le sachet, elle acquiesça ; elle se réjouissait de regarder ces films avec elle, car elle savait que pour une fois, elle en oublierait tout le reste.

- Si, il fallait… Que ferait-on sans vin et chocolat devant un film, voyons…? dit-elle en lui faisant un clin d’œil amusé. Mais ! s’exclama-t-elle ensuite, pour qui me prends-tu ? Je n’oublierai jamais Star Trek voyons !

Star Trek… Elle réprimanda un frisson désagréable en disant cela. C’était une des choses qui l’avaient rapprochée de Spencer et maintenant, elle se maudissait de lui avoir avoué sa passion. Pourquoi ne s’était-elle pas juste contentée de plaisanter à son sujet, comme faisait ses collègues ? De plus, elle savait d’après ce qu’elle voyait, qu’il avait plus d’une fille collée aux baskets. Même s’il ne s’en rendait pas compte, il se faisait draguer par à peu près deux agents par jour. Quoi ? Oui elle avait fait la moyenne, extrêmement hargneuse dès qu’on s’approchait de lui. Et pourquoi ? Car elle savait pertinemment qu’il n’y aurait rien entre eux, et elle ne voulait pas penser à la désagréable idée qu’il puisse avoir une petite amie. Sans savoir réellement pourquoi, elle n’aimait pas l’idée. Pas juste parce qu’elle était amoureuse de lui, mais surtout parce qu’avec le boulot qu’ils faisaient… Ils rentraient tard quand ils n’étaient pas en balade dans tous les États-Unis. Et l’idée qu’il ait réussi à combiner vie privée et vie professionnelle lui déplaisait… En fait elle ne savait pas réellement expliquer. Tirée de ses pensées par une odeur de chocolat, elle se mit sur la pointe des points, tentant de voir par-dessus l’épaule de son amie ce qui pouvait sentir si bon.

- Tu as fait des biscuits au chocolat ou je me trompe ?

Sa gourmandise refaisait surface. Se délectant de la délicate odeur quelques instants, elle reposa ses talons au sol, souriant toujours. Si elle avait fait ses fameux biscuits, la soirée allait être géniale.