Le samedi... Un jour où, habituellement, Aleksandra pouvait rester au lit tard, rester sous la couette, surtout en hiver. Mais aujourd'hui, elle n'allait pas vraiment pouvoir le faire puisque ... Puisqu'ils attendaient de la visite. Bon, d'accord, une nouvelle baby-sitter, c'était pas une grande visite non plus. Mais disons que la petite russe était assez intriguée et qu'elle avait hâte de mettre un visage sur le nom de Juliette Riley. Son père lui avait parlé d'elle brièvement, la veille, et elle avait envie de savoir qui elle était. Bon, ça aurait été un homme, sans doute qu'Aleksandra n'y aurait pas apporté une grande attention. Mais une femme ... c'était une fille de plus qui, potentiellement, pouvait tourner autour de son père et faire en sorte qu'elle le voie un peu moins. Alors, en quelque sorte, dans l'immédiat, même si la petite n'en disait rien, Juliette était une potentielle menace pour elle. Elle n'avait pas envie qu'on accapare son papa, celui qui l'avait sortie de la rue, son sauveur. Bien sûr qu'elle se faisait un film, et alors ? Vous savez, parfois, les enfants, ils s'attendent au pire.

Donc, ce matin là, bin, difficile de rester vraiment au lit, de lézarder. Fallait faire un peu de nettoyage dans la maison, préparer le déjeuner, et de quoi, aussi, accueillir leur hôte. A dire vrai, Aleksandra était partagée entre deux sentiments. Elle ne savait pas ... comment elle se comporterait avec la nouvelle. Bien sûr, Nolan lui avait dit qu'elle était gentille et aimable, et tout ça, mais bon. Ca trottait dans sa petite tête, et elle se posait tout un tas de questions, sûrement toutes aussi débiles les unes que les autres, mais ça ne l'empêchait pas de se les poser.

Finalement, l'heure fatidique arrive. Quatorze heures. Il était quatorze heures. Et Juliette allait arriver. Aleksandra était dans le salon, en train de dessiner, ou plutôt, de faire de la peinture -en prenant soin de ne pas en mettre partout-. Elle avait relevé la tête quand elle avait entendu la sonnette. Elle s'était levée tandis que Nolan lui ouvrait la porte et la saluait. Depuis l'ouverture de la porte du salon, tête penchée, Aleksandra observait. La minute difficile, en quelque sorte. Le temps de jauger son adversaire, de voir à quoi il ressemblait. De mettre un visage sur un nom. Mouais. La compétition allait être rude. Parce que Juliette était jolie. Un autre style de beauté, comme dirait Mark Greene dans la série Urgences, mais jolie quand même. C'était dur, quand même, pour Aleksandra de voir son père entouré, toujours, de jolies filles. Jalousie maladive, quand tu nous tiens. Oui, oui, il avait le chic d'être bien entouré, même si, dans l'immédiat, les seules qui comptaient pour lui, c'était bien Nika et elle. M'enfin, affaire à suivre. Nolan avait fini par faire les présentations tandis qu'Aleksandra l'observait toujours du coin de l'oeil. Juliette l'avait saluée de la main. "Bonjour." avait répondu la petite.

Petit apparté de Nolan pour dire à la nouvelle baby-sitter que la petite avait des problèmes de prononciation. Y'avait pas que la prononciation d'ailleurs. Parfois, Aleksandra avait du mal à trouver les mots, surtout les plus compliqués, même si ça faisait déjà un moment qu'elle était aux USA. Mais fallait dire que quand elle était avec sa mère, et sa tante, la plupart du temps, c'était en russe qu'elle parlait, et pas en anglais. Il lui fallait encore un peu de temps pour se faire à tout ça. Quoi qu'il en soit, ça ne semblait pas gêner Juliette qui connaissait, vraisemblablement, ce problème avec l'un de ses proches. Un petit ami. Expression que, bien sûr, Aleksandra ne comprit pas vraiment. Elle n'arrivait pas à associer les deux mots ensemble. Ou du moins, à voir ce que ça voulait dire. Elle le prenait plus dans le sens d'un ami petit, enfin, pas bien grand, et pas comme d'un fiancé. Mais bon, elle arriverait à obtenir une précision plus tard. Dans la conversation, sans doute. Ou peut-être même maintenant, histoire ... de voir comment Juliette allait se dépatouiller avec sa question. "C'est parce qu'il est petit que tu dis que ton ami est pas bien grand ?" Et toc. Oh, c'était pas pour la mettre dans l'embarras. C'est juste que ... Aleksandra était curieuse de comprendre, en quelque sorte.

Brèfle. Les voilà partant dans le salon pour prendre le thé et manger les petits gateaux que la petite russe avait préparé avec son père le matin même. Elle était repartie sur la peinture, même si elle allait écouter d'une oreille attentive ce qui allait se passer. Mauvaise nouvelle, selon Aleksandra, Juliette étudiait la criminologie -mot que, sans doute, elle ne serait jamais capable de prononcer, du moins, pas tout de suite-. Ca voulait donc dire ... qu'elle pourrait, un jour, vouloir mettre son père derrière les barreaux. Chaud ... faudrait que Aleksandra fasse gaffe à ce qu'elle dise alors. Juliette employa d'autres mots que la russe ne comprenait pas du tout. Elle n'hésita pas à venir se planter devant la baby-sitter pour lui demander des explications. "C'est quoi le ... Beha ... machin chose ? Et c'est quoi un profiler ?" C'est bien de poser des questions, vous ne croyez pas ? C'est comme ça qu'on apprend, non ?

Curieuse expression que de dire petit ami. Et il était vrai qu'Aleksandra n'avait pas réellement compris ce que ça pouvait dire. D'où le fait qu'elle n'avait pas hésité à poser la question, d'ailleurs. Du genre curieuse notre petite tête brune ? Oui et non. Enfin ... Si, tout de même un peu beaucoup. Mais en même temps, valait mieux qu'elle se montre curieuse à l'encontre de Juliette plutôt qu'elle ne dise rien. Parce que ça voulait dire, dans un certain sens, qu'elle s'intéressait à la brune qui venait d'entrer dans leur maison. Oui, oui, la petite russe savait qu'elle allait devenir sa baby-sitter, que Juliette s'occuperait d'elle quand Mike n'était pas disponible. Et elles auraient, à ce moment là, tout le temps de faire connaissance. Mais cela n'empêchait pas la fillette de vouloir en savoir plus. Du moins, dans l'immédiat. Est-ce que la fillette avait gêné Juliette ? Sans doute un peu. Mais ce n'était nullement voulu. Enfin ... Va savoir avec elle. Nolan s'était alors penché vers sa fille adoptive tandis qu'il riait, un peu, avec Juliette. Il lui expliqua, brièvement, le pourquoi du comment de cette expression. Chose que Juliette confirma tout de suite après. Aleksandra eut un hochement de la tête. "Ah oui ... D'accord ..." La fillette pensait que c'était plus simple d'utiliser le terme amoureux que petit ami. Enfin, selon elle. A chacun ses expressions.

Quoi qu'il en soit, Aleksandra était ... Oui, elle était rassurée. Même plus. Parce que si Juliette avait un amoureux, cela voulait dire que même si son père lui faisait les yeux doux et qu'il était éperdument amoureux de sa Nika, Juliette ne répondrait pas favorablement à ses avances. Donc, en quelque sorte ... celle qui, au départ, aurait pu devenir une sorte de rivale, et bien, ce n'était plus le cas. D'où le fait que la fillette avait un sourire jusqu'aux oreilles. "Et tu l'aimes fort fort fort ton amoureux ? Et tu vas passer toute ta vie avec lui ?" Aleksandra, ou comment gêner les gens un peu plus encore. En même temps, hein, c'était tout son intérêt, pour elle, que de savoir. Parce qu'au moins, elle était certaine qu'une autre pie n'essayerait pas de lui voler son papa. Enfin, façon de parler. En tout cas, Aleksandra était très contente. Très contente. Pour sûr. Elle n'aurait pas à s'inquiéter de voir souvent Juliette à la maison. Mais bon, passons.

Ils s'en étaient, tous les trois, allés dans le salon pour un échange des plus cordiaux. Aleksandra était, momentanément, retournée à ses dessins mais ce n'était pas pour autant qu'elle n'écoutait pas d'une oreille attentive tout ce qui se passait. A dire vrai, elle faisait les deux. Mais si, de temps à autre, elle décrochait un peu parce qu'elle ne comprenait pas toutes les expressions qu'ils pouvaient employer. En même temps, sa maîtrise de l'anglais n'était pas encore ... totalement parfaite. Elle butait sur certains mots, certaines expressions. Elle n'y pouvait rien, c'était ainsi. Alors, quand Juliette parla de la BAU, Aleksandra lâcha ses crayons et vint se poser en face de Juliette, les yeux dans les yeux. En même temps, facile pour la fillette puisque la brune était assise. Et c'était plus pratique pour lui parler plutôt que de lever ou bien de baisser la tête, ça dépendait du point de vue. Vous ne croyez pas ? Alors, à nouveau, Aleksandra lui avait demandé des explications sur les termes qu'elle venait d'employer. C'était obscur, malgré l'explication. Mais la petite russe en retenait une chose : c'était que les profilers, c'était comme la police, ou presque. Et que fallait qu'elle tienne sa langue en présence de Juliette. Ou du moins, qu'elle ne dise rien qui pourrait mettre son papa en danger. Penchant la tête sur le côté, l'air de rien, et après que Juliette ait répondu à une question Nolan, la fillette l'avait regardée à nouveau. "Et tu as déjà arrêté quelqu'un ? Quelqu'un de très méchant ?" Histoire ... Histoire de rester sur ses gardes, en quelque sorte, et voir si Juliette pouvait être quelqu'un de dangereux pour sa cellule familiale, ou pas.

Curieuse la fillette ? Oui, en même temps, c'était normal. Dans l'immédiat, elle cherchait à savoir si Juliette était une potentielle rivale qui voudrait attirer toute l'attention de son papa, ou bien si elle était inoffensive. Et comme Juliette lui parlait de son fiancé, enfin, de son amoureux, Aleksandra ne la craignait. Ou du moins, elle ne serait pas obligée de la surveiller, ce qui n'était pas mal. Pas mal du tout d'ailleurs. La petite russe avait un grand sourire. Bon, d'accord, encore une fille qui traînait autour de son papa. Mais celle-là, elle ne la craignait pas. D'autant plus qu'elle avait un amoureux. Tout était parfait, n'est-ce pas ? Pour la fillette, ça l'était en tout cas.

Après cette petite explication, hop, ils étaient partis dans le salon. Aleksandra s'en était retournée, un moment, sur ses dessins. N'allez pas croire que ça allait l'occuper toute l'après-midi ou bien le temps que Juliette et Nolan aient leur petite conversation. Non, d'ici une dizaine de minutes, elle aurait terminé ce qu'elle avait à faire. Et sans doute qu'elle allait s'ennuyer et traîner dans les pattes de son père. Ouais, sans doute. Elle allait devoir se trouver une autre occupation. Peut-être aller jouer avec le fils des voisins. Il était gentil et toujours sympathique avec elle. Sans oublier que quand personne ne pouvait venir la chercher, et bin, ils rentraient ensemble. Puisqu'il avait un an de plus qu'elle. Comme ça, toujours quelqu'un qui veillait sur elle et qui faisait attention lorsqu'elle traversait la route. Bah oui, parce qu'elle n'avait que neuf ans. Et qu'ici, y'avait biiiiennn plus de voitures que dans son ancienne ville. Ce qui n'était pas forcément évident au niveau adaptation. Mais elle faisait de son mieux. Enfin, passons.

Juliette et Nolan parlaient de choses que la fillette ne comprenait pas forcément. Les acronymes, enfin, les sigles, elle ne les connaissait pas. D'où le fait qu'elle avait eu un drôle d'air sur le visage lorsque Juliette avait parlé du BAU. Elle s'était grattée la tête, l'avait regardée et tout ça. Bon, c'est pas pour autant qu'elle comprenait bien l'explication, c'était encore un peu dans le néant mais bon. Ce qu'elle en retenait, c'est que même si elle n'était qu'une étudiante, elle pouvait être dangereuse pour son père. Une gymnastique ... Aleksandra allait devoir opérer une certaine gymnastique, faire toujours très attention à ce qu'elle allait dire, ou ne pas dire. Parce qu'elle ne voulait pas que son père se retrouve en prison. Elle était trop bien avec lui. Et elle l'aimait beaucoup. Être séparée de lui, ça serait bien trop douloureux. Parce que se retrouver dans une autre famille ... Bon, d'accord, elle était mignonne mais ça pourrait prendre du temps avant qu'une gentille famille ne l'accueille. Et encore, elle pouvait aussi tomber sur une famille horrible, des personnes qui ne l'aimeraient pas ou qui se ficheraient de son bien être. Et à dire vrai, ça lui faisait un peu peur. Parce qu'elle était tellement bien là. N'allons pas lui porter la poisse. Il était clair qu'Aleksandra allait faire attention à ce qu'elle allait dire et tout ça.

La fillette en était venue à lui demander si elle avait déjà eu l'occasion, ou pas, d'arrêter des gens. Juliette répondit par la négative. Elle n'était qu'une stagiaire, d'où le fait qu'elle n'avait pas d'arrestation, pour le moment, à son actif. Est-ce que ça la rassurait ? Hmmm ... Peut-être un peu. Ou pas. Parce qu'elle ne comptait pas pour autant lâcher son boulot et qu'elle finirait, forcément, un jour ou l'autre par arrêter des gens. Aleksandra espérait juste que Nolan arriverait à passer entre les filets. Heureusement que la fillette était intelligente, et surtout, heureusement que Nolan lui avait expliqué en long et en large qu'il y avait certaines choses à son sujet qu'il ne fallait pas qu'elle dise, sous réserve qu'on ne les sépare. Parce qu'un autre enfant, sans doute qu'il n'aurait pas fait attention, qu'il aurait dit quelque chose de travers et s'en serait fini la belle vie pour Nolan. Enfin. N'ayant plus rien d'autre à dire, dans l'immédiat, la fillette s'en était retournée à son dessin afin de le terminer.

Aleksandra était dans son coin. Elle avait laissé les deux adultes discuter tranquillement, tous les deux. De toute manière, de ce qu'elle avait compris, ils ne parlaient pas de choses très intéressantes. Ils auraient parlé de papillons qui faisaient des cacas arc-en-ciel ou du fait qu'ils avaient vu des licornes à deux cornes, ou des trucs encore plus bizarres, et bien, oui, elle aurait alors écouté un peu plus attentivement et elle n'aurait pas hésité à leur poser tout un tas de questions. Enfin, surtout à Juliette parce que la fillette ne la connaissait pas vraiment. Et que si elle voulait poser des questions à son papa, la petite russe pouvait le faire n'importe quand. Quand elle allait le voir à l'hôpital, ou bien quand il venait la chercher à l'école. Et oui, Aleksandra ne pouvait pas vraiment s'empêcher de poser tout un tas de questions. Pour la simple et bonne raison qu'elle était une petite fille curieuse qui avait envie d'en savoir plus sur la vie, les gens qui l'entouraient et tout ça.

La fillette redressa la tête quand elle entendit son prénom. Depuis combien de temps elle avait décroché de la conversation ? Et bien, elle n'aurait su le dire réellement. Mais ça faisait déjà un petit moment, puisqu'elle avait presque terminé son dessin. Enfin, c'était pas loin. Encore quelques coups de crayon ici ou là, encore quelques coups de couleur par-ci, par-là et le tour serait, sans doute, joué. La petite brune avait donc tourné la tête vers cette voix féminine qui venait de lui causer. Aleksandra secoua quelque peu la tête. "Et bah oui. Souvent, parce que j'aime bien dessiner." Et parce que les psy du centre où elle avait été, quelques temps, lui avait dit que dessiner, ça ne lui ferait que du bien. Et donc, elle avait continué à le faire, et ce même si elle était super bien avec son papa. C'éatit un moyen de dire que tout allait bien pour elle, en quelque sorte. Bon, bien sûr, ce n'était peut-être pas du grand art. Ou du moins, elle, elle ne le considérait pas comme tel. Mais il était vrai que la fillette adorait dessiner et que cette manie ne lui passerait pas vraiment. Sans doute que non. Tout le monde cherche un échapatoire. Et pour la fillette, c'était le dessin. Enfin, pour le moment. Peut-être que d'ici quelques années, ça serait autre chose. Mais pour l'instant, c'était ça.


Juliette enchaîna, par la suite, une autre question. Elle voulait savoir ce qu'elle était en train de dessiner. Aleksandra avait donc posé ses crayons et elle s'était rapprochée de la jeune femme avec son dessin entre les mains. "C'est la mer avec la lune." Parce que oui, bizarrement, Aleksandra préférait faire des dessins abstraits. Enfin, dans le sens où elle aimait bien les paysages et qu'elle aimait beaucoup en faire. La mer ? Oh, elle n'avait jamais réellement eu l'occasion d'y aller. Mais dans sa petite tête, c'était comme ça. Avec beaucoup de jaune pour le sable -quoi que, comme c'était de nuit, c'était plus une sorte de marron-, des vagues, des arbres, enfin, des palmiers, et d'autres trucs de ce genre.