Erica Evans && Ashley Seaver

Le monde est plein d'honnêtes gens. On les reconnaît à ce qu'ils font : les mauvais coups avec plus de maladresse. ♠ Charles Péguy

« You say goodbye and I say hello, hello, hello. I don't know why you say good bye. I say hello, hello hello » Ses lèvres articulaient silencieusement les paroles, tandis que ses yeux parcouraient les pages de son livre. Assise sur le banc public, les écouteurs de son MP3 dans les oreilles, elle écoutait à s’en rendre folle les Beatles. Un bien bon groupe, comme on n’en avait plus maintenant. Elle avait décidé de sortir prendre l’air ; son déménagement lui prenait pas mal de son temps, et avec son stage assez dur, elle n’avait plus une minute à elle. Mais aujourd’hui, elle ne travaillait pas et il ne lui restait qu’un carton à ranger : des vêtements. Ça attendrait ce soir ! c’était-elle dit en voyant le soleil qui perçait. Un peu de vitamine, ça ne faisait de mal à personne. Elle avait donc enfilé sa veste et était sortie, son livre à la main. Elle le connaissait par cœur, ce livre. Elle le lisait dès qu’elle le pouvait, et toujours elle pleurait. D’ailleurs… Elle arrivait au seul passage qui la faisait toujours pleurer. « Il n’y eut rien qu’un éclair jaune près de sa cheville. Il demeura un instant immobile. Il ne cria pas. Il tomba doucement comme tombe un arbre. Ça ne fit même pas de bruit, à cause du sable. » Les larmes brouillèrent lentement sa vue et coulèrent sur ses joues roses. Satané sensibilité ! Essuyant les longues gouttes salées, elle se força à respirer un grand coup. Toujours aussi atteinte par ce passage horrible, elle posa son livre à côté d’elle et se concentra sur la musique. Même les paroles pourtant joyeuse de sa chanson ne pouvaient lui remonter le moral. Oh… Oui… Elle savait ce qui l’attendait, si elle relisait ce livre, ce chapitre, ce paragraphe. Le petit prince… Un chef d’œuvre de la littérature, oui ! Bien que c’était un livre pour enfants, elle le dévorait en une soirée. C’était un petit livre. Se levant du banc blanc elle fit quelques pas et regarda les personnes présentes. Jeunes, personnes âgées, bébés, nouveaux parents, amoureux, tout y passait. Par automatisme, elle enroula ses doigts sur le médaillon de son collier, un cœur en or, qu’elle avait soigneusement choisi en s’habillant. Ça lui rappelait le temps où elle vivait heureuse, avec son père… Oh, bien sûr, elle était heureuse maintenant et sans lui ; mais à ce moment là, elle ignorait que c’était un tueur en série ! C’est-ce que sa mère appelait « le bon vieux temps » mais la jolie blonde refusait d’appeler cela comme ça : elle avait l’impression de prendre vingt ans ! Même si ça ne datait que de huit ans (enfin, quand même, huit ans !), ça ne la rajeunissait pas. Même si tout le monde disait « Mais, tu n’es pas si vieille que ça ! ». Sans regarder où elle allait, les yeux dans le vide, elle percuta quelqu’un. Se raccrochant à un arbre justement posé à quelques pas d’elle, elle cligna des yeux, avant de se redresser, un peu sonnée. Ça lui arrivait de plus en plus souvent, de percuter quelqu’un ! A croire que sa maladresse avait augmenté en arrivant à Quantico ! Qu’en serait-il dans deux ans ?

- Excusez-moi… Je ne regardais pas où j’allais… Bredouilla-t-elle, en massant son épaule qui avait intercepté le choc, et le rouge lui montant aux joues.

Comme d’habitude…

Une belle journée en vue, le soleil réfléchissait dans toute la pièce de la chambre. Sur le bord d’une petite table de chevet, on aperçut, un verre d'eau ainsi qu’une photo de famille et un badge du FBI. Sur celui-ci, il est inscrit clairement : Agent Erica Evans.
En parlant du loup, l'agent était en train de se préparer à sortir de sa tanière, malgré une nuit émotionnellement mouvementée. Elle pensait qu’elle avait bien besoin d’un bol d’air frais au Parc.
En allant au parc, elle se rappela que Charlie était de sortie hier soir, chez son ami Brandon. Mais il n’était pas rentré préférant éviter sa propre mère après une dispute ayant lieu plutôt dans la journée. Elle se remémorait de ce moment et des phrases tels que : tu n’es qu’une mauvaise mère qui pense qu’à son boulot. Ou encore : Je préfère m’éloigner de toi, tu es comme un gaz nocif, tu me détruis à l’intérieur.
Elle se sentait très mal après toutes ces déclarations. En plus, venant de son propre fils, elle ne sentait plus vivante. Cette sensation, elle a connu, quand elle a perdu son père. Cet homme, grand et fort, qu’elle appréciait tant, il était celui à qui elle se confiait. Elle voulait désespérément se confier, entendre ses précieux conseils; en fait, au fond d’elle, elle voulait que quelqu’un l’écoute et lui conseille.

Elle était arrivée près d’un banc et elle voyait une toute petite foule dans cette immense verdure. Dans une partie de son champ de vision, elle fixait son regards sur des enfants s’amusant entre eux et derrière eux, des parents soucieux espérant que leurs enfants ne se blessent pas.
Quelques années auparavant, elle se souvenait être à la place de ces parents. Quand elle avait un jour de congé, elle et son fils allaient au Parc ou quelque fois au Zoo. C’était l’époque joyeuse avec une parfaite famille.
Perdue dans ses pensées, Erica marchait, tout droit, inhalant cet air tout frais. C’était un bon moyen de vider sa tête. Seulement, elle espérait que les gens s’écarteraient de son chemin car elle voulait rester dans son petit monde. Vide.
Malheureusement, ce n’était pas le cas. Elle se heurta contre une pauvre jeune fille. Erica partit en arrière en titubant mais son instinct d’agent a permis de se remettre sur pied rapidement. Revenue dans sa réalité, elle entendit les bredouillements de la jeune femme, et elle essaya de l’aider à se relever.

Oh ne vous excusez pas, ce n’est pas de votre faute mais de la mienne. J’étais perdue dans mes pensées que je ne faisais pas attention où je mettais les pieds. Tenta de s’expliquer Erica
J’espère que vous n’êtes pas blessée ? demanda-t-elle avec inquiétude.

Alors qu’Ashley se relevait et tentait de bien que mal de s’excuser, la femme qu’elle avait percuté faisait de même. Un sourire étira ses lèvres roses et elle secoua négativement la tête : elle était persuadée que c’était de sa faute. Quand elle lui demanda si elle n’était pas blessée, elle ouvrit les yeux - elle ne s’était même pas rendu compte qu’elle les avaient fermés - puis regarda son épaule qui lui faisait savoir qu’elle avait mal quelque part. Enfin, elle n’était bonne que pour un bleu, ce n’était pas comme si son bras s’était arraché. Reposant ses yeux méthanes sur la personne en face d’elle, elle fit mine de ne pas souffrir.

- Je n‘ai rien, ne vous inquiétez pas. Et vous ?

Elle la scruta d’un œil inquiet. Elle n’aimait pas faire mal aux gens, oui, il y avait de ça, mais aussi, elle ne voulait pas voir de sang. C’était plus fort qu’elle, si elle en voyait, elle ferait un malaise. Beaucoup de personnes se demandaient pourquoi elle était agent dans ce cas, elle ne le savait même pas elle-même. Enfin, elle savait bien passer au-dessus de cette petite - petite ? - peur pour faire le métier qu’elle aimait, non ? Enfin, même si des fois elle avait du mal, elle était en net progrès selon elle… Bien sûr. Elle ne connaissait pas vraiment ses nouveaux collègues donc ne pouvait pas dire qu’un tel avait peur de ça et que c’était aussi étrange que sa phobie. Même pour Natasha, qu’elle connaissait depuis longtemps maintenant - oh oui, quand même assez longtemps -, elle ne savait pas de quoi elle avait peur. Et bien, elle mènerait son enquête à la BAU : les phobies des autres. Elle ne pourrait pas soutirer des informations aussi « personnelles » à tout le monde, mais au moins à quelques personnes. C’était une façon de se réconforter, non, de se comparer aux autres ?
Sortant de ses pensées, elle se rendit compte qu’elle ne connaissait même pas l’inconnue qu’elle avait percuté. Un sourire toujours aux lèvres, elle tendit un main - plus ou moins - amicale vers elle et s’humecta les lèvres. C’était un vilain tic, elle le savait, mais ça la perturbait d’avoir des lèvres sèches.

- Désolée. Je suis Ashley Seaver.

Elle multipliait les rencontres au parc ces temps-ci. Mais ce qui l'étonnait c'est qu'elle ne croise personne du bureau. Bon, d'accord, si elle était toujours au parc (Vous cherchers Ashley Seaver ? Allez au parc, yeah !), ça pouvait ne pas être le cas de tout le monde. Oui... Elle imaginait mal Aaron Hotchner se promèner dans le parc parce qu'il faisait beau. Enfin, ça devait lui arriver, mais avec la couverture froide qu'il laissait voir au bureau, elle avait un peu de mal à s'imaginer la scène. Enfin, Kira allait souvent au parc aussi, mais les deux jeunes femmes se voyaient bien souvent donc ce n'était pas si grave si la jolie blonde ne la voyait pas quand elle se promenait. Enfin... Passer du temps avec sa meilleure amie n'a jamais rien de dérangeant.