" Salut, je dois partis en mission, je t’appelle dés que je rentre "

Harry s'était réfugié dans son bureau, refermant la porte derrière lui, une sensation violente dans sa poitrine lui faisait l'effet de coups de lance portés dedans tandis que son cœur était comme comprimé dans un étau. S'effondrant sur le fauteuil il ferma les yeux en basculant la tête en arrière. Il inspira profondément, malgré la douleur lancinante, jusqu'à qu'il sente le feu se calmer, le feu dans sa cage thoracique qui se répandait dans tous ses muscles comme du poison. Il toussa deux trois coups, puis une fois qu'il se sentait un petit peu mieux il alla jusqu'à son bureau pour tirant le tiroir du milieu sortir une flasque de whisky dont il s'envoya une ou deux gorgées, pour calmer la douleur qui lui lançait jusque dans le bras. Avant de boire il lança tout de même un coup d'œil à la porte pour s'assurer que personne ne s'apprêtait à y entrer, il n'y avait plus grand monde de toute façon, Chris s'entrainait encore, Sam avait terminé le boulot et était rentré chez lui, mais sinon tout le monde était entrain de partir ou déjà parti. Il été sorti discrètement tout à l'heure en se sentant mal, Chris et David qui s'entrainaient sur le ring étaient trop occupés par leur combat et ne l'avaient pas vu faire son malaise en se précipitant dans son bureau. Ou du moins faisaient-ils semblant, comme ils faisaient semblant de ne pas remarquer les absences et les douleurs de leur entraineur, ni son visage très fatigué tous les jours et l'odeur d'alcool sur ses vêtements. Comme s'il pouvait passer inaperçu.

Son téléphone vibra sur le bureau au moment où il reposait sa flasque dans le tiroir qu'il oublia de refermer tandis qu'il se précipitait sur l'appareil. Un message d'Amoryne, il avait guetté toute la journée un signe, quelque chose, d'elle, hier aussi, et les jours d'avant. Elle était parti en mission à l'étranger et il avait attendu son retour impatiemment, ne pas avoir de ses nouvelles et se dire qu'elle était dans un endroit dangereux, même si c'était la femme la plus forte qu'il connaisse, était difficile. Parce que, même si c'était très difficile à avouer, il tenait à elle. C'était marrant, depuis qu'il avait complètement abandonné tout espoir, elle était arrivée dans sa vie, au coin d'un bar, une femme plus jolie qu'aucune autre, et avec une personnalité qui n'appartient à personne. Il se sentait con quand il était avec elle, il se comportait comme un gamin quand ils se chamaillaient, et quand elle était pas là… Elle lui manquait tellement que c'était une souffrance en plus que toutes celles qui lui donne tous les jours envie de se tirer une balle du revolver caché au fond d'un de ses placards. Sauf… Que c'était différent, elle, parce que quand elle était pas là, il savait qu'il allait la revoir, bientôt, il s'inquiétait bien sûre, mais leur séparation n'était pas irrémédiable. Pas comme Maya. Il s'était rendu compte des sentiments qu'il éprouvait pour elle quand il avait commencé à penser à elle alors qu'il pensait à Maya. Il ne voulait pas réfléchir à ça, c'était compliqué, il repoussa ses idées et retourna son regard vers l'écran du téléphone. Elle était rentrée… Il voulait la voir, maintenant, il pourrait aller chez elle, ou l'appeler pour l'inviter… En réfléchissant il se dit que de un elle devait être fatiguée de sa mission et de deux ça aurait été lourd de faire comme ça…Et d'après ce qu'il avait compris d'elle, même si elle était pas facile à comprendre, ce n'était pas le genre de fille à aimer ça. Qu'est-ce qu'il pouvait bien lui répondre qui ne la mettrait pas de travers ? Il n'en savait rien, savoir parler aux femmes, surtout quand elles sont comme Amoryne, c'était pas son truc. Pourtant, il savait être un bon charmeur, disons plutôt qu'il était séduisant et charismatique, mais quand il s'agissait de quelqu'un pour qui il avait des sentiments… Il devenait subitement complètement inutile.  

Il réfléchissait à une réponse quand on toqua à la porte, il vit Chris entrer, un regard soucieux et un visage inquiet qui le détaillait, hésitant, avant de lui dire que lui et David allaient rentrer. Harry sourit tentant de paraitre un peu plus affable et le salua à son tour tandis qu'il partait. Il se releva, laissant là son téléphone et son manque d'imagination, en songeant aux taches qui lui restait à faire pour la fermeture. Un peu de rangement, la paperasse attendrait, mais avant, il voulait chausser ses gants pour frapper un peu du poing tandis que le soir tombait sur la ville et que la petite salle de boxe devenait sombre comme la nuit. Il enfila ses gants et se dirigea vers les sacs de sable pour donner quelques coups dedans, y a pas à dire ça détend, et quand il frappait il lui semblait que la douleur était un peu moins forte en lui. Même si ça faisait encore mal. Il savait qu'on commençait à s'inquiéter un peu de sa santé et de son moral, mais il se voulait rassurant, il n'avait aucun problème de santé, non, lui il savait pourquoi il avait mal, c'était la souffrance qu'il trainait depuis des années qui à force de se tenir dans la tête avait commencé à envahir le corps. La vie et l'existence était des choses douloureuses qui envahissaient le corps comme l'esprit.

Il avait commencé à suer depuis une bonne dizaine de minutes quand une voix le surpris derrière lui sans qu'il n'est auparavant remarqué sa présence. Se retournant d'un coup il vit apparaitre juste devant lui la plus belle femme du monde. Amoryne... Ses longs cheveux blonds, son regard d'aigle, son visage doux et rude à la fois, tout comme elle. Il lui sourit, légèrement rougissant à moins que ce ne soit l'alcool ou l'effort, avant de rigoler à sa plaisanterie en se rapprochant d'elle pour lui dire bonjour.

- Quoi ? Perdre sur nos derniers matchs ne t'a pas suffit tu veux remettre ça ?

Il la détailla du regard, rapidement, de peur de se perdre si de ses yeux il en venait à effleurer sa poitrine ou son visage, elle était habillée en tenue de sport et même ça ça lui allait bien.

- Tu t'es bien amusée ?

Demanda-t-il en référence à sa mission, il savait qu'elle ne lui en dirait probablement pas grand-chose, et en même temps c'était son boulot qui demandait ça, mais il était juste un peu curieux, inquiet surtout de savoir si elle allait bien.  

Elle le laissait gagner ? Bah tien, il aimerait bien voir ça. Il faillit rire de sa remarque, mais elle plongea ses yeux si intensément dans les siens qu'il en perdit pied. Voila, il ne savait plus où il était ni même qui il était quand elle le regardait comme ça. Il lui fit un sourire, amusé et doux à la fois, et ses yeux ne quittaient jamais les siens, comme si en les perdant de vue elle viendrait à disparaitre de son horizon. Elle relâcha ses yeux captifs pour se rendre jusqu'à une table proche où elle s'assit à moitié. Cette fois, sa réponse à sa question relative à sa mission lui donna un rire un peu plus sonore, tandis qu'amusé il écoutait le son de sa voix résonner dans la salle de boxe vide. Il lui répondit ne pouvant manquer de rebondir sur ça.

- Mais tu es vraiment une femme dangereuse !

Répliqua-t-il amusé. Il s'approcha un peu, il ne faisait même plus attention à la douleur dans sa poitrine, à vrai dire il s'en moquait, il pouvait mourir dans la minute, elle était là et c'était ce qui importait. Non pas qu'il soit amoureux ou quoique ce soit hein, non, il l'aimait bien juste, il la trouvait plutôt jolie, mais elle avait un de ces caractères, et puis elle était attirante aussi… Pas comme les autres femmes, en fait, elle était attirante comme Amoryne, c'était une sensation, un sentiment unique. Se rendant compte que ça faisait bien plusieurs secondes maintenant qu'il la fixait sans rien dire il se força à détourner son regard et gêné se passa une main sur le crâne avant de lui répondre, ayant du pour cela se rappeler sa question qu'il avait à peine alors entendu :

- Rien de très nouveau, j'ai deux boxeurs qui disputent en championnat dans deux semaines, enfin je pense que c'est pas ce qui t'intéresse le plus…

Il ne savait pas trop quoi dire, à vrai dire, depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vu il n'avait fait que penser à elle et à sa fille, errant comme une âme en peine, seul parmi tous, dans son club où il fait sombre et froid, passant son temps à boire et à donner des coups. Qu'est-il devenu ? Une loque humaine imbibée d'alcool incapable… Il était plus fort que ça, il avait la force de tout supporter, de tout soulever, jusqu'à la douleur, la souffrance qu'il endurait, qui se faisait plus forte, plus violente à chaque seconde, la douleur d'avoir perdu tout ce qu'il avait, cette douleur qui lui faisait mal depuis des années allait le tuer. Amoryne s'était relevée pour aller chercher des gants de boxe qu'elle enfila, ça lui allait plutôt bien il faut dire, Harry se dit en les voyant qu'il devrait lui en offrir une paire, après tout ce n'était pas la première fois qu'elle venait donner du poing ici, et elle se débrouillait bien en plus. Il la regarda donner un grand coup dans un des sac de frappe proche, il reconnaissait cette façon de frapper, il n'en dit rien cependant, mais il savait, parce que lui aussi il frappait comme ça, quand il n'en pouvait plus, il frappait pour faire tout sortir, la violence, la haine, la rage, la colère, la douleur, il frappait fort avec ce qu'il avait à l'intérieur, Amoryne faisait pareil. Et il se demandait quelle était sa rage, sa colère, et sa souffrance. Il aimerait l'aider, la partager avec elle, mais il ne sait pas rendre heureux les gens, il se contente de frapper, c'est tout ce qu'il sait faire, et il ne veut pas faire de mal au cœur d'Amoryne. Le sien souffre déjà assez. Une fois qu'elle eut terminée de maltraiter ce pauvre sac elle se retourna vers lui poings en avant, en garde. Quémandant sa revanche. Harry eut un sourire, crispé par la douleur qui lui lancinait la poitrine et irradiait tout son corps. Il s'en moquait, il était heureux.

- Tu vas voir qui c'est le papy !

Il leva ses poings en garde à son tour, et même s'il n'aimait pas frapper une fille, il engagea le combat contre Amoryne. Et vous voulez savoir un secret ? Toutes caractéristiques physiques et biologiques pouvant l'attester exclus, c'était pas une fille. Tournant autour d'elle pour trouver un point d'entrée, bien campé sur ses deux jambes solides, enfin une jambe et demi solide, sa garde bien levée sur son visage, il attendit qu'elle l'attaque pour lui répliquer une bonne droite après avoir paré son premier coup.

Harry laissa engager Amoryne et contra son premier coup, répondant par un coup de côté, il gardait sa force, sans trop la retenir non plus, la boxe ça faisait mal et si on ne voulait pas avoir mal on ne se battait pas, il fallait s'attendre à prendre des bosses. Cela étant il ne voulait pas la blesser. Elle ne le quittait jamais des yeux, à part pour fusiller quelques boxeurs attardés aux alentours, elle ne le quittait pas des yeux, son regard avait quelque chose, comme rempli de flammes, et lui non plus n'arrivait pas à le quitter, ses joues s'enflammaient l'alcool l'avait déjà bien empourpré. Il ne quittait pas son regard, mais ça ne l'aidait pas à se concentrer, au contraire, son esprit était à milles lieux du combat perdu quelque part dans ces iris brunes, son cœur n'en battait que plus vite, et la douleur lancinante brûlait tout son corps, remontant de sa poitrine, englobant sa nuque, glissant sur son épaule gauche pour descendre jusqu'au bout de ses doigts, son bras gauche se durcissait et son mouvement lui était de plus en plus difficile et douloureux. Mais il ne lâchait pas, griser par le moment, son souffle s'accélérait, se heurtait, sa poitrine se comprimait, elle semblait se gonfler, avant de rétrécir à un point si étouffant que son souffle se coupait alors. Ses jambes étaient cotonneuses et comme de plus en plus lourdes, en même temps il lui semblait ne presque plus les sentir. Il prit un coup, il ne le sentit même pas, il n'eut pas le temps de le contrer, ou pas le force, il ne l'avait pas vu venir, déstabilisé il recula perdant l'équilibre, il eut des difficultés à reprendre ses appuis.

Relevant la tête, il vit la silhouette d'Amoryne, immobile devant lui, ses contours flous tremblaient, comme sur un écran de télévision se mettant à grésiller. Il vit sa bouche s'ouvrir elle lui disait quelque chose, mais il ne l'entendait pas, il n'entendait rien, que le sang battant à ses tempes, et un bourdonnement étrange dans ses oreilles. Il recula, titubant en arrière, comme à la recherche de quelque chose à quoi se tenir. Il voulut se servir de son bras gauche pour chercher quelque chose derrière lui, mais il n'arrivait plus à le bouger, il avait l'impression que sa poitrine allait exploser littéralement, ses jambes molles cédèrent, celle où il portait sa vieille blessures tomba la première, il glissa et s'heurta aux cordages qui le retinrent, manquant tout de même de passer par-dessus bord. Tombant de côté sa tête heurta le sol, il était un peu sonné, mais son corps était résistant des coups qu'il avait pris et il ne perdit pas connaissance tout de suite. Seulement, il ne voyait presque plus rien, tout était flou, et très sombre, sa salle de gym, certes peu éclairée, ne lui avait jamais apparue aussi pleine de ténèbres. Il s'attendait presque à voir apparaitre le fantôme de son ancien entraineur mort il y a longtemps, comme s'il se trouvait à un endroit et à un moment où l'au-delà était entré chez les vivants. Mais cette pensée disparue bien vite, sous la douleur qui partant de son cœur, irradiait tout son corps. Avec son bras droit, faiblement, il empoigna son bras gauche, et le serra avec toute la force qu'il avait comme pour en faire quitter le mal.

Dans le noir il voulut appeler, mais sa bouche qui s'ouvrait doucement était trop sèche et aucun son ne sortait. La douleur qui n'avait été jusque là que lancinante, bien trop pour que dans ses brumes alcoolisées il n'y prête attention, semblait l'avoir maintenant complètement dégrisé. Il avait mal, bien plus que tout ce qu'il connaissait en terme de douleur. La douleur, ça lui semblait être une chose dont il avait plutôt bonne connaissance, et pourtant. Il avait mal et il avait peur, peur d'avoir été con, peur d'avoir peut-être fait exprès de ne pas faire attention, peur d'avoir bu autant juste pour ça, peur d'avoir déçu sa famille et ceux qu'il aimait, et qui l'aimaient. Mais c'était trop tard, tout s'assombrissait, sa bouche était pâteuse et rien n'en sortait, aurait-il voulu dire à Amoryne qu'il l'aimait, il ne le pouvait pas, de toute façon elle se serait moquée de lui à moins qu'elle n'ait jamais été que dans sa seule imagination. Une hallucination de son cerveau malade, rendu fou par la vieillesse, le chagrin et l'alcool, il avait inventé de toutes pièces un monde pour lequel il n'était pas encore mort. Mais depuis longtemps il lui semblait que la vie s'échappait de lui à une vitesse folle, à cet instant la sensation était plus forte à vrai dire qu'à aucun autre. Il était entrain de mourir.

Amoryne. Tout, peu à peu se dispersait, disparaissait. Comme des gouttes d'encres dans l'océan de la nuit. Une noirceur épaisse d'un linceul fit disparaitre tout ce qui existait, tout ce qui avait jamais existait, et ce qui jamais n'existerait.

Amoryne. La grande pièce ma éclairée et sale de transpiration et de sueur, si riche pourtant de la force de l'effort, de la volonté, de la persévérance, de l'esprit combattif et qui luttait avec honneur.

Amoryne. Le son de sa voix c'était dissout, tandis que les ténèbres avaient rempli tout l'espace. Elle s'était envolée et avec elle l'univers s'était brisé. L'obscurité avait tout recouvert, et Harry s'y enfoncé, comme dans les profondeurs d'eaux troubles et grises. Non, noires. Quoique, quoiqu'il semblait qu'elles s'illuminaient soudain.

Amoryne. Mais il résistait. Vraiment ? Non, il était trop lâche. Il préférait se laisser flotter, se laisser mourir. C'était un lâche. Il n'avait pas le moindre courage, qu'une bête de muscle pour frapper. Il avait été incapable de faire face. C'était un lâche. Et pourtant, il s'y tenait à cette main, tandis que la sienne sans vie retombait.

Amoryne. Il n'y avait aucune prise dans le vide, rien à quoi il puisse se raccrocher, pour demeurer proche d'elle, mais déjà les ténèbres avaient inondé son visage et son souvenir et tout était devenu sombre comme les abysses. Ils l'entrainaient tout au fond. Là il n'existait plus rien, que l'obscurité.

Plus de mots. Plus de noms. Plus de paroles. Un corps seulement inerte et immobile dans la froideur de la mort. Elle guettait comme un corbeau noir le corps inerte au cœur encore à peine tressautant dans la poitrine. Charognard prêt à arracher son âme de son sépulcre humain.

Comme le temps semble infini, dans les abysses. Tout se dissout, à l'intérieur, les sens, le monde, le passé, l'avenir. Une étrange opération de l'alchimie qui fait fondre et mourir chaque chose de la vie. Entravé dans le néant.

C'est ainsi que toutes choses finis alors, dans les ténèbres, où les pensées se tarissent jusqu'à se perdre. Alors se laisse-t-on couler jusqu'en bas, parce qu'il n'y a plus rien d'autre. C'était un lâche. Il s'en était persuadait lui-même pour ne plus avoir à se battre. Et alors trouver le repos, les bras de la nuit.

Mais les profondeurs de l'ombre de la teinte des plus obscurs ténèbres s'éclaircissait d'étranges et inquiétantes lumières. Mais il n'y avait plus de peur, plus de faim, plus de douleur, plus de peine. Là où l'esprit s'effilochait peu à peu dans les brumes où il allait finalement disparaitre. Il n'y avait plus de mal. Juste la paix, un fugace paradis empli de lumière.

La lueur, d'abord pâle comme le reflet de la lune dans le ruisseau devint violente soudain et éclatante elle empli tout l'espace des profondeurs. Le néant était d'une étincelante pureté. Plus la blancheur doucement, comme s'il l'on tirait un rideau tissé de brumes, laissa place à un paysage, connu de l'esprit vagabond, bien qu'il ne s'en souvint pas tout de suite tant il était encore aveuglée par la clarté surnaturelle qui baignait les lieux.

Oui, il était rentré chez lui.