« Moi, je suis un génie. Un vrai génie, avec le Q.I. d'Einstein, capable de mémoriser des trucs improbables et de lire bien plus rapidement que vous. Et franchement, j'aime pas ça. Et je le hurle haut et fort. Alors, on me dit que je suis folle, parce qu'être un génie, c'est soi disant merveilleux. Non. On en attend tellement de vous et de votre gros cerveau de génie, que l'on a toujours une incroyable pression sur les épaules. Par exemple, quand j'ai déclaré vouloir entrer dans l'armée, ma mère m'a regardée avec consternation, puis m'a traitée comme si j'étais le vilain petit canard de la famille. Je crois qu'elle me voyait plutôt faire du droit. Alors si j'avais pu troquer cette "super-intelligence" contre une normalité, j'aurai accepté. »

Alexandra est un génie. Du moins, d'après les statistiques, et elle considère que c'est relativement abstrait, et que l'on ne peut pas juger l'intelligence sur des nombres. Elle ne veut pas être un génie. Et c'est pourquoi elle a tout fait pour s'écarter de la voie glorieuse qu'on lui prévoyait. On l'imaginait médecin, avocate et que sais-je d'autre... Elle s'est engagée dans l'armée à 17 ans, et a fini sniper. Donc Alexandra est un génie, elle est intelligente, elle se souvient de tout, elle sait des choses impossibles et elle joue aux échecs comme personne. Mais elle ne veut pas être "ça", alors elle fait comme tout le monde, elle applique les ordres et fait son boulot sans fioritures. Seulement, elle est ce qu'elle est et ne peut y échapper, et elle le sait. Dommage pour elle.

Alexandra est imprévisible. Elle est un monstre de bizarrerie, depuis toujours. Lorsqu'on ne la connait pas, il est impossible de deviner ce qu'il se passe dans les méandres de son imagination. Il fut un temps où elle fut pédiatre. Quel pédiatre irait dire à un enfant qui ne veut pas boire son verre de lait « Tu n'as qu'à vomir ton lait sur ta maman, et je te promet qu'elle ne t'embêtera plus avec ça ! » ? Alexandra . Alors quand je vous dit qu'elle est imprévisible et capable de tout, je ne plaisante pas. Elle pourrait bien vous mettre une baffe sans raison valable. Ou pleurer pour pas grand chose. Elle a toujours l'air d'arriver d'une autre planète. Et ça l'amuse.

Pourtant, malgré cette excentricité, c'est une personne à laquelle on s'attache facilement, et elle s'attache tout aussi facilement aux autres. Alexandra est très sociable et personne ne peut dire le contraire, elle est capable d'arracher un sourire à n'importe qui, avec ses répliques déplacées et son rire enfantin. Autrement, elle est toujours calme et agréable, Alexandra s'énerve rarement et règle ses problèmes en discutant plutôt qu'à en venir aux mains.

Si elle a l'air simplette et insouciante, la réalité est toute autre. En effet, elle pense que la vie humaine est stupide, que l'humanité n'est qu'une colonie de parasites immondes et mégalomanes qui se croient au-dessus de tout, même de la mort. Oui, Alexandra méprise plus que tout la race humaine, elle hait les humains et elle se hait aussi pour faire partie de ces êtres versatiles, stupides et dotés d'un incroyable talent d'auto-destruction. Et pourtant, elle est toujours agréable, spontanée et gentille. Mais au fond d'elle, elle emmerde profondément la société et en veut plus que tout à cette humanité hypocrite. Mais il y en a bien quelques-uns qui se détachent du lot par leur clairvoyance, et eux, elle les aimes. Finalement, elle ne se sent pas capable de comprendre la stupidité humaine. Alors elle se fie aux théories de la sociologie et se base là-dessus, sans jamais comprendre vraiment ce qu'il peut passer par la tête de ses congénères humains.

« Ma date d'anniversaire, c'est la plus stupide du calendrier. Sérieusement, qui aurait eu l'idée d'accoucher de son enfant un 29 février ? Et puis va expliquer à une gamine de 5 ans que sa date d'anniversaire n'arrive que tout les quatre ans... N'importe quoi. Je ne suis pas née le 28 février, ni le 1er mars. Belle connerie, ce jour qui ne revient qu'une fois tous les quatre ans. »

Elle est donc née un 29 février, ironie du sort ? Peut-être. Il n'empêche que la première phrase prononcée à sa naissance n'est pas celle rêvée.

« Elle est condamnée. Désillusion. Elle est atteinte de cardiomyopathie histiocytoïde. Desespoir. Je pense qu'elle ne passera pas le cap des deux ans. Douleur. »

Le médecin déclara qu'il était désolé, et qu'il ne pouvait rien faire contre cette maladie. Il a quitté la pièce, laissant la famille dans un silence mortuaire. La mère a pleuré pendant longtemps, et le père n'osait pas regarder son enfant. Le petit garçon de cinq ans, assis sur une chaise dans la pièce, ne comprenait pas tout. Pourtant, il leva ses yeux brillants d'enfants vers sa mère, pour déclarer d'un air déterminé « On pourrait quand même lui donner un nom. ». Pour la première fois, le père leva ses yeux vers la nouvelle née, et la mère cessa de renifler et de geindre. « J'aime bien Alexandra. » annonça-t-elle d'un air déterminé. Le père soupira, et quitta la pièce avec son fils en déclarant que maman avait besoin de repos.

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« - Alexandra, tu es ma princesse...
- Non maman, je suis pas la princesse, c'est une chochotte. Moi je suis le croque-mitaine qui se cache sous le lit pour manger la princesse ! »

La mère soupira, fit un petit sourire à sa gamine et commença l'histoire. La petite fille allongée dans son lit avait environ cinq ans, elle avait de grands yeux bleutés et des cheveux bruns. Apparemment, Alexandra avait survécu plus longtemps que les prédictions du médecin. La mère acheva l'histoire, embrassa le front de sa fille, et quitta la chambre. Discrètement, l'enfant la suivit en pouffant, et la mère fit semblant de ne rien voir. Voyant son papa assis sur le canapé, la petite fille se faufila derrière lui, puis cria « Graaah ! Je suis le croque-mitaine ! » en ébouriffant de ses petites mains les cheveux poivre-sel de son papa. Ce dernier ne réagissant pas, la petite continua de grogner comme un monstre pendant un moment. Finalement, elle secoua son père, qui ne réagit toujours pas.

« Maman, papa il bouge plus ! »

La mère se précipita dans le salon, puis hurla et fondit en larme devant son mari. Ce dernier, les yeux révulsés, encore ouverts, la bouche entrouverte, était là, mort. La maladie l'avait emporté, avant sa fille. Mort subite, personne n'aurait pu y faire quoi que ce soit.

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La petite fille a maintenant douze ans, son père est décédé et elle a continué à vivre, pour lui. Aujourd'hui, elle vient de recevoir un bout de papier, qui lui prouve qu'elle est diplômée et qu'elle a terminé le cursus scolaire général. Elle est surdouée, apparemment. Sa mère la prit dans ses bras et lui déclara que son père aurait été fier d'elle. Son grand frère la félicita avec un grand sourire et une tape dans le dos. Jamais l'enfant ne se serait doutée qu'à partir de là, un poids énorme allait peser sur ses épaules.

La gamine à peine diplômée, la mère hésitait déjà entre la médecine et le droit, sans demander l'avis de la concernée. Médecine, finalement, elle pourrait faire du droit plus tard. On la balança dans une université, et elle se lança dans des études dans le domaine du médical. Alexandra n'aimait pas ça. Mais sa mère plaçait tellement d'espoir en elle qu'elle n'osait contester sa décision.

Pour la mère, Alexandra était parfaite. Intelligente, le génie de la famille, la petite princesse. Alexandra n'aimait pas ça. Et Thomas encore moins. C'est pourquoi le grand frère cessa d'adresse la parole à la petite sœur. Du jour au lendemain. Alexandra aimait son frère plus que tout, son grand frère, son protecteur. Il ne lui parlait que pour le strict minimum. De son côté, Alexandra savait qu'elle ne pouvait pas lui en vouloir.

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Dix-sept ans était l'âge que Alexandra attendait avec tant d'impatience. Elle espérait pouvoir se détacher de sa mère qui l'écrasait de responsabilités. Alexandra n'avait pas encore terminé ses études de médecine, ce qui rendait sa décision encore plus difficile à faire accepter à sa mère.

« - Je veux m'engager dans l'armée de terre.
- L'armée ? s'étrangla presque sa mère.
- Bah ouais!
- Hors de question, c'est stupide, déclara la mère. Cette discussion est close, ajouta-t-elle en voyant que sa fille comptait prostester. »

Thomas, lui, suivait l'échange d'un air à la fois étonné et amusé. La brune prononça la phrase qu'il ne fallait pas dire. « Papa aurait accepté, lui. ». Sa mère lui mit une gifle, et quitta la table, laissant seuls ses deux enfants. « Je suis majeur, je peux peut-être te la signer, ton autorisation. ». Alexandra fit un grand sourire à son frère, et le prit dans ses bras. Et puis elle s'engagea. Elle ne sait pas ce qui était arrivé à son frère ensuite, mais la mère avait du l’éviscérer. Le pauvre.

Alexandra s'est engagée dans l'armée et a suivit la formation nécessaire. On lui proposa un poste de médecin militaire, mais elle refusa pour rejoindre une unité de tireurs d'élite. Et elle partit à la guerre, en Afghanistan.

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Aujourd'hui, Alexandra a 25 ans et elle est agent du FBI. En plus, il y avait un 29 février, cette année. Ce qui s'est passé entre temps ? Elle a quitté l'armée, à cause d'une rechute de sa maladie qui lui a presque coûté la vie. Elle a considéré qu'il était pour elle temps de quitté les militaires, si elle tenait à sa peau. Elle avait 23 ans. Elle a rapidement terminé ses études de médecine et est devenue pédiatre, mais ses méthodes étant remise en question - comme l'incident du verre de lait - elle a finalement décrété de ce n'était pas pour elle. Et puis, le fait de pouvoir tenir une arme, risquer sa vie à chaque instant, tout ça lui manquait.

Considérant qu'elle ne pouvait plus retourner dans l'armée et redevenir militaire, elle a décidé de servir son pays d'une autre manière. Alexandra rejoint la cellule anti-terroriste du FBI, espérant ainsi pouvoir utiliser ses talents de sniper. Et ça lui plait, comme boulot, puisqu'elle est là-bas depuis deux ans et n'en a pas bougé.