Il commençait à y avoir un peu plus de monde dans les rues maintenant. Ces personnes étaient pressées et ne faisaient pas attention à où ils mettaient les pieds. Du coup, j'étais encore plus prompt à m'écarter. À un certain moment, je croise un homme de taille moyenne aux cheveux châtains et aux yeux bleus. A priori, un type bien banal qui porte une veste et qui doit se rendre au boulot. Je m'écarte pour lui céder le passage et je continue ma route.

Je continue mon chemin, lentement mais sûrement, lorsque j'entends une voix qui m'interpelle. Le type en question avait fait demi tour pour me rattraper. Il pensait m'avoir reconnu... Je m'arrête de marcher et je le dévisage un peu. Il voit très bien que c'est le néant dans mon esprit et commence à me dire qu'il s'appelle Dylan, il était dans l'US Army. Je croise mes bras sur mon torse, comme cela aucune chance qu'il me tende la main, et je continue de le regarder.

- Keller. Oui, ça me revient.

Tout ça remontait à quelques temps déjà. Une belle époque, même si on ne s'était pas rencontré dans les meilleures circonstances tous les deux. Il avait pris ma déposition en tant que témoin sur un meurtre survenu pendant une parade militaire. Bref, il m'avait connu avant que ma vie prenne un tournant sordide. Très peu de gens encore en vie avaient eu le bonheur de me connaître à mon meilleur, alors que j'étais un fier SEAL qui donnait tout à sa patrie.

Lorsqu'il me demande comment je vais, je ne sais pas trop quoi lui répondre. On était quand même en pleine rue. Ce n'était pas l'endroit idéal pour discuter de choses sérieuses. Alors, je fais comme tout le monde, je mens. D'ailleurs, le fameux « bonjour, comment ça va » sert beaucoup plus à établir un contact qu'à autre chose. Qui veut vraiment savoir exactement dans quel état d'âme se trouve son interlocuteur lorsqu'il pose cette question...

- Bien et toi?

Encore là, une formalité, mais on est forcé de passer par là. J'étais partagé entre plusieurs émotions : la surprise, la joie, la peur qu'il me trouve bizarre et me rejette... En même temps, j'avais une occasion en or d'aller chez moi en étant accompagné. Je n'avais qu'à lui en faire la demande, ce que je décide de faire d'ailleurs.

- Si tu as un petit moment de libre, j'allais passer chez moi pour récupérer quelques affaires. On pourrait discuter un peu.

Je me surprends moi-même. J'ai presque eu l'air naturel et détendu en lui demandant.