Ce jour-là, il neigeait, mais cela n'avait pas empêché Juliette d'aller faire un tour au magasin. Les gens allaient encore faire leurs achats pour les fêtes à venir ou les préparatifs de dernière minute, alors qu'elle y allait simplement parce qu'elle avait une envie de lire soudaine. Même s'il lui restait encore des bouquins non-lus, il fallait qu'elle aille s'en acheter un ou deux. « Tu n'as qu'à te faire plaisir, c'est le Papa Noël qui offre ! » lui avait dit son père au téléphone. Bien sûr, elle avait ri mais ces paroles lui avaient fait du bien. Savoir que son parent le plus proche pensait à elle malgré la distance les séparant, c'était réconfortant. C'est donc le coeur léger que Ju partit dans une petite librairie dans la galerie marchande. Elle n'y allait pas souvent et voulait aujourd'hui voir ce qu'il y avait en rayon. Les prix n'étaient pas élevés et c'était l'idéal pour une jeune passionnée de lecture avec un revenu d'étudiante... Elle renonça à un classique en pensant : « C'est la crise, le Père Noël en souffre aussi... », puis jugea que prendre un ou deux livre(s) sur la psychologie des tueurs en série était plus favorable.

En effet, elle étudiait la criminologie et avait comme projet de devenir stagiaire au Behavioral Analyst Unit, un département du FBI. Chose difficile, certes, mais elle espérait simplement. Elle voulait juste mettre ses études de côté pour ce stage spécial et elle avait encore un peu de temps pour se décider convenablement. Elle quitta la petite librairie pour aller dans l'hypermarché, au rayon des livres. Elle fila tout de suite vers la psychologie des tueurs en série et trouva son bonheur sans chercher. Après avoir lu quelques résumés, elle choisit ses trois bouquins. Une petite folie qui allait lui coûter cher. Ca allait être ses économies qui allaient y passer. Alors, avec un long soupir, elle reposa son dernier dans la colonne correpondante. Pour ne pas se faire avoir et craquer pour le livre qu'elle venait de laisser, l'étudiante sortit du rayon rapidement. Et, alors qu'elle regardait ailleurs, elle bouscula une personne, ce qui provoqua la chute de ses protégés. Elle aurait bien piquer sa crise, mais elle regarda simplement la blonde en face d'elle et s'excusa le plus poliment possible en ramassant ses deux articles. C'est en les retournant pour constater les dégâts qu'elle remarqua que l'un deux était corné. Elle souffla, car elle n'avait pas le courage d'aller l'échanger avec un autre. De plus, c'était sa faute s'il était tombé et elle ne devait pas refiler ça à quelqu'un d'innocent. Elle se reconcentra sur l'inconnue qu'elle venait de perturber.

« Encore désolée, c'est moi, je n'ai pas fait attention. » fit-elle, avant de se demander pourquoi elle s'était à nouveau excusée.

Noël approchait à grand pas, peut-être même trop vite au goût de Natasha qui n'avait pas encore fait ses achats pour cette fête principalement destinée aux enfants. Elle qui, d'habitude, achetait tout plusieurs mois à l'avance, s'était laissé surprendre par le temps et avait préféré s'entasser dans son métier plutôt que se concentrer sur les périodes qui défilaient. Il ne serait guère étonnant qu'un jour elle se réveille et s'aperçoive qu'elle avait déjà trente ans et qu'elle avait donc laissé filé trois années de sa vie - et elle espérait pour qu'elle se ressaisisse avant ! Toujours était-il qu'elle se retrouvait au milieu des rayons, debout, sans bouger, hésitant sur ce qu'elle devait acheter pour qui. Elle avait déjà acheté un bon de 35€ d'achats à « Esprits » et un autre de 25€ à « Jennyfer » pour Allison, un séjour de détente avec séance de massage à Abigail. Et il lui restait encore son frère. Que pouvait-elle lui offrir qui ne le ferait pas retomber en enfance ? Elle tourna sur elle-même et comme si le magasin avait lu dans ses pensées, elle se retrouva face au rayon des jeux vidéos. Poussant un soupire exaspéré, elle leva les yeux au ciel et murmura un « Pourquoi ?! » mais, alors qu'elle allait se mettre en route pour arpenter le magasin de fond en comble, elle sentit un corps rencontrer le sien et elle faillit perdre l'équilibre sous la surprise et si elle se retint in extremis à un chariot abandonné au milieu des allées, ce n'était pas le cas pour la jeune femme qu'elle venait de percuter qui avait fait tomber tous ses livres. Baissant le regard - et n'apercevant pour l'instant qu'une chevelure brune - Natasha ne put s'empêcher de lire les titres des bouquins qui étaient à terre et un léger sourire se profila sur son visage d'ange en notant que c'était avant tout des livres abordant la criminologie.

Non, c'est de ma faute ; je ne regardais pas où j'allai, s'excusa-t-elle à son tour. Vous êtes passionnée par l'étude des criminels ?

Elle se modit la lèvre et maudit ses vieux réflexes de journaliste ; poser des questions, être trop curieuse, des défauts qui ne cessaient de s'accroître avec son boulot actuel. Elle comprenait à présent pourquoi elle avait tant de mal à bien parler avec les gens qui l'entouraient, elle avait garder ses manières de reporter que tout le monde insupporte.

La jeune femme que Juliette venait de déranger s'excusa à son tour, alors qu'elle lissait la couverture cornée de sa main. Elle l'aurait contredite pour avouer que c'était bien elle qui n'avait pas regarder où elle mettait les pieds, sauf que son interlocutrice changea de sujet et passa à l'étude des criminels. Gênée qu'une personne qu'elle ne connaissait pas s'intéresse à sa vie, elle eut un moment d'hésitation. Elle cacha son doute en posant le regard sur les titres de ses livres, même si elle aurait pu les réciter de mémoire. Même si cette question était indiscrète, elle ne perdrait rien en lui répondant correctement, surtout que c'était un thème auquel elle tenait précieusement.

« Oui, je trouve ce domaine plus qu'intéressant et il occupe presque tout mon temps. Je suis étudiante en criminologie, c'est peut-être... fou, mais je me sens à l'aise avec ce genre d'individus. » expliqua-t-elle, avec un sourire.

Ju se demanda, après ses paroles, si elle ne passait pas pour une personne instable. En effet, qui dirait « je me sens à l'aise avec ce genre d'individus » en parlant de criminels ? En tout cas, elle se sentait d'autant plus embarrassée d'avoir parler de sa vie actuelle comme cela. Pour elle, penser comme un tueur ne lui posait aucun problème, du moins pour le moment, même s'il lui restait beaucoup de choses à apprendre. La jeune femme en face d'elle ressemblait à une étudiante et son visage inspirait confiance. Et, bien qu'on lui avait dit de ne jamais se méfier des apparences, la brune voulut en savoir plus sur elle. Elle lui avait bien dévoiler sa vie et maintenant, c'était à son tour.

« J'aimerais savoir pourquoi vous me posez cette question, vous vous intéressez aussi à la criminologie ? » demanda-t-elle, pressée, sans le montrer, de connaître la réponse.

Natasha sentit la gêne de son interlocutrice et s'insulta intérieurement, mais avant qu'elle n'ait eu le temps de s'excuser pour son indiscrétion, la jeune femme brune répondait. Un léger sourire flotta sur les lèvres de l'agent du FBI ; si elle avait l'habitude de côtoyer des criminels chaque jour avec son métier, elle n'irait pas jusqu'à dire qu'elle se sentait à l'aise avec eux. Même si, et elle devait l'avouer, elle préférait se retrouver face à un psychopathe en puissance plutôt que devoir consoler des familles qui venaient de perdre quelqu'un. Au tour de Natasha, de ne pas savoir quoi répondre suite à la question que lui retournait son interlocutrice ; ses lèvres s'étirèrent en un vrai sourire et baissant légèrement la tête elle chercha par où commencer.

On peut dire ça oui... Je côtoie des criminels presque tous les jours et malgré mes efforts, il y en a que je ne parviens vraiment pas à comprendre, mais je trouve aussi l'étude des criminels très intéressante. Être à l'aise avec eux, je n'irai peut-être pas jusque là, mais essayer de les comprendre pour ensuite les arrêter, ça me fascine vraiment. Je suis étudiante à mi-temps, moi aussi, à Washington et plus le temps passe, plus étudier leur cas m'attire.

Elle tourna la tête machinalement et son regard croisa celui d'une enfant, sans doute âgée d'une dizaine d'années, qui écoutait discrètement leur conversation. Elle lutta contre l'envie de la rabrouer et laissa sa mère l'emmener vers les caisses, un sourire amusé sur le visage. Reposant son regard de métal sur la jeune femme qui lui faisait face, elle ne put s'empêcher de la trouver jeune. Du moins, elle devait sans doute faire plus jeune qu'elle ne l'était en réalité pour étudier la criminologie.

Sourire amusé sur les lèvres - oui, Natasha avait presque tout le temps un sourire peint sur son visage, sans qu'ils soient hypocrites - la jeune femme blonde allait pour répondre, mais déjà, la ravissante étudiante s'excusait. Elle n'en avait nullement besoin, après tout, elle-même s'était montré indiscrète la première et ne s'était pas excusé, de surcroît ! Fatiguant ? Oui, ça l'était, mais ça en valait vraiment la peine.

Non, ne vous en faite pas, après mon indiscrétion, je ne peux pas vous blâmer, répondit-elle avec un léger rire. Je ne sais pas si on peut vraiment dire mi-temps, vu qu'on est souvent en surcharge de dossier, mais officiellement, oui. Quant à savoir si c'est fatiguant, bien sûr que ça l'est, c'est normal, mais je ne m'en préoccupe pas, du moment que je fais de ce que j'aime. Je pense que ça vaut le coup.

Plutôt franche de nature, Natasha pensait ces dernières paroles. Son père lui avait toujours dit de faire ce qu'elle aimait, même si son entourage était contre ; il valait mieux exercer un métier qui nous passionne et ignorer ce que les gens autour de nous pouvaient dire, plutôt que faire plaisir aux autres et être constamment malheureux. La question qu'elle se posait aujourd'hui était la suivante ; les tueurs en série préférent-ils leur boulot, ou bien tuer ? Question sans importance, certes, mais il n'était pas rare que des questions existencielles surviennent comme ça, dans son esprit sans qu'elle n'ose les poser car elle savait parfaitement qu'elle n'aurait aucune réponse.

Mais bon, il faut encore que le Behavorial Analysis Unit m'ouvre ses portes, ajouta-t-elle dans un sourire.

Pour la première fois depuis qu'elles se parlaient, Natasha détailla l'étudiante qui lui faisait face. Avec ses cheveux aubrun et ses yeux ténébreux, elle était ravissante et même si elle paraissait très jeune, elle semblait être une personne de très mature. Solidaire avec ceux qui lui faisaient bonne impression, Natasha espérait pour elle qu'elle soit prise au Behavorial Analysis Unit. Si tel était son but, bien évidemment.

Se montrant, cette fois-ci, moins curieuse, Natasha ne fit pas de commentaire sur la remarque de son interlocutrice quant à son expérience personnelle. Après tout, ça ne la regardait absolument pas, et la jeune femme brune ne devait probablement pas avoir envie d'en parler. En revanche, elle resta béate en apprenant qu'elle aussi, voulait entrer au BAU. En même temps, c'était le seul Département de ce genre, et si elle faisait des études de criminologie, ce ne devait pas être pour dire d'avoir des études supplémentaires. Un léger rire lui échappa à la proposition de la jeune femme, un rire doux et franc ; son interlocutrice était extrêmement gentille, Natasha devait l'avouer. Sans qu'elle ne sache pourquoi, ses pensées vagabondèrent vers l'agent Hotchner. Elle le connaissait depuis quatorze ans, et bien qu'il sache qu'elle était agent du FBI, elle ne lui avait jamais fait part de son intention d'entrer au Département d'Analyses du Comportement. Peut-être pourrait-il la conseiller ? Et, pourquoi, l'aider ? Elle chassa ces idées, absurdes, de son esprit en retenant un soupire : l'agent Hotchner devait avoir plus important à faire, elle n'allait tout de même pas l'ennuyer avec ses désires. D'autant plus que si elle voulait l'impressioner, il vallait mieux pour elle qu'elle se débrouille par elle-même, après tout, jusqu'à présent, elle y était très bien parvenue, pourquoi cela changerait-il ? Revenant sur terre et reportant son attention sur la jeune étudiante, elle l'a remercia pour sa proposition ;

Eh bien c'est très gentil de votre part. Qui sait, peut-être que nous nous retrouverons là-bas ?

Elle s'aperçut qu'elles ne s'étaient pas présenté et, s'insultant intérieurement, elle tendit une main à son interlocutrice, comme le voulait la politesse.

Je suis désolée, avec tout ça, j'ai oublié de me présenter. Natasha Williams, enchantée, sa présenta-t-elle avec un sourire.

Oui, peut-être qu'elles se retrouveraient au bureau. Seulement, il fallait encore que Juliette aille y faire sa demande et tout ce qui suit. Pour l'instant, elle préférait profiter des fêtes et de sa famille, qui comptait énormément pour elle. Par contre, niveau organisation, elle ne savait pas où se déroulerait Noël, même si elle pensait se déplacer jusqu'à New York, chez ses parents. Et pour la nouvelle année, ignorance totale aussi. Peut-être en France, malgré son nombre limité de connaissances là-bas, elle aimait ce pays et elle s'y sentait chez elle : c'était toujours sa famille. La jeune femme en face d'elle tendit une main et se présenta, souriante. Ju serra sa main avec plaisir et s'exprima à son tour :

« Juliette Riley, ravie de vous rencontrer. Pardonnez-moi pour mon indiscrétion encore une fois, mais une question me tourne dans la tête : quel âge avez-vous ? Vous avez l'air jeune, pourtant, vous travaillez au FBI, j'ai du mal à suivre. » enchaîna-t-elle après avoir donné son nom.

Après ses paroles, elle se sentit bête et également malpolie. Des questions pareilles à celle-ci ne se posaient pas en temps normal, cependant, elle était sortie avant qu'elle puisse se rattraper. Tant pis, c'était dit. D'ailleurs, si elle s'était retenue, elle serait toujours laissée dans l'ignorance. Elle n'aimait pas ce sentiment, sauf dans les moments où il le fallait vraiment. La plupart du temps, elle évitait. Cela lui rappela la fois où son frère ne lui avait pas avoué qu'il partait à Los Angeles pour ses études. Elle frissonna, c'était un souvenir assez désagréable et elle le mit tout de suite de côté. Ce soir, elle lui enverrai un texto ou l'appelerai ; entendre sa voix lui fera le plus grand bien. En même temps, elle pourra aussi lui demander s'il passait les fêtes en famille, ce qu'elle espérait.

Alors qu'elles se serraient la main, Natasha sentit ses joues prendre une teinte rosée face à ce compliment plutôt inattendu ; si on lui avait souvent fait remarqué qu'elle ne faisait pas son âge - en partie à cause de sa petite taille - c'était plus souvent des piques lancées pour la taquiner qu'une remarque sérieuse. Lâchant la main de Juliette pour la plonger dans ses cheveux et noyer son index dans ses boucles blondes, elle dériva ses yeux gris sur le sol ; elle ne s'était jamais sentie à l'aise lorsqu'on lui faisait des compliments et n'avait jamais su quoi répondre. Jeune et agent du FBI. Elle n'était pas si exceptionnelle que ça, et était loin d'être la première à faire partie du FBI à cet âge-là. Son meilleur exemple était sans doute Ashley, sa collègue. Certes, elle avait la chance d'apprendre, comprendre et retenir rapidement, ce qui lui avait bien souvent permis d'obtenir des résultats très bons, pour ne pas dire excellents, et c'était en partie grâce à ça qu'elle avait réussit à passer chacun de ses examens avec brio. Elle avait donc put devenir agent du FBI a tout juste vingt-trois ans, soit, l'âge minimal requis. Ce qui était plus fréquent qu'on ne pouvait l'imaginer. Arrêtant finalement de jouer avec ses cheveux, replaçant sa mèche derrière son oreille et ses pommettes reprenant une couleur normale, elle put enfin répondre ;

Je vais sur mes vingt-huit ans... J'ai passé mes examens pour devenir agent de terrain il y a quelques années, rien d'exceptionnel, en soi, finit-elle par ajouter après une légère hésitation.

S'il y avait bien quelque chose que Natasha n'aimait pas faire, en plus d'évoquer le passé, c'était se vanter. Elle en était tout simplement incapable, et c'était d'ailleurs pour cela que personne ne savait qu'elle avait toujours eu d'excellents résultats. Elle était toujours parvenue à les dissimuler, allant même jusqu'à mentir à ses camarades lorsqu'ils désiraient savoir quelle note elle avait pu avoir. Elle voulut retourner la question à son interlocutrice, mais elle retint ses mots de justesse ; un « Et vous ? » aurait été impoli et inapproprié dans ce genre de situation. Elle réfléchit quelques minutes avant de trouver une formule un peu plus adéquat.

S'il m'est permis de vous retourner la question, je suis intriguée aussi ; pour être étudiante en criminologie il faut avoir au minimum vingt-deux ans et, sans vouloir vous vexer, bien sûr, vous ne les faite pas réellement...

Elle se mordit une nouvelle fois la lèvre en réalisant l'ampleur de ses paroles. Malheureusement, elle ne savait pas comment elle pouvait le dire autrement ; Juliette paraissait excessivement jeune. Ou était-ce Natasha qui se sentait excessivement vieille ?

[ HJ : Désolée pour cet énooooorme retard, mais, pour être franche, j'avais juste totalement oublié que c'était à moi de répondre ><' Je suis vraiment désolée ]

L'interlocutrice de Juliette avait donc vingt-huit ans, soit quatre de plus qu'elle, pourtant, elle ne faisait pas son âge. Elle lui aurait donné entre vingt et vingt-cinq, en ne regardant que son physique. Comme quoi, il ne faut pas juger par les apparences, contrairement à la majorité des gens. Tout le monde a beau savoir qu'il faut se méfier de ce qu'on peut voir au dehors d'une personne, c'est souvent les expressions de son visage, ses sourires, qui nous mettent en confiance ou non. Grâce à cet aspect, on se limite aux préjugés, mais il nous est libre ensuite de choisir pour regarder le caractère et les goûts de cette personne, la garder comme simple connaissance, en faire une amie, ou plus si affinité... D'après ses paroles, Natasha pensait que passer les examens pour devenir agent n'était qu'un geste anodin, cependant pour Ju, cela paraissait beaucoup plus difficile. Ses études lui prenaient du temps, mais elle était décidée et motivée, alors elle ne s'arrêterait pas maintenant. Sa nouvelle rencontre lui relança la question sur son âge, d'une manière assez maladroite. La brune le prit d'abord du mauvais côté en affichant une mine contrariée, puis renonça à la blâmer, car on lui avait souvent fait des remarques sur le fait qu'elle ressemblait à une adolescente, et également parce qu'avec son visage gêné, elle ne semblait pas vouloir la froisser. Un sourire prit place sur la figure de l'étudiante et elle répondit avec un ton amical :

« En fait, j'ai eu vingt-quatre ans en juin. Beaucoup de monde me dit que je ne les fais pas, en haussant les épaules et en souriant. A vrai dire, je m'en réjouis, même si j'ai l'air d'une lycéenne. »

On dit que les années de lycée sont les meilleures et Juliette était plus que d'accord avec cette affirmation. Elle s'était beaucoup amusée et elle n'avait pas eu le problème de choisir son orientation, et après son futur métier, car elle était déjà décidée depuis longtemps. Finalement, ça lui avait plutôt bien réussi, du moins pour l'instant. Pour ne pas laisser la conversation vide, elle posa une question ordinaire, que tout le monde pourrait demander aux personnes ayant un travail.

« Pourquoi avez-vous décidé de devenir agent ? » demanda-t-elle.

Elle était plutôt intéressée, elle qui n'avait pas de raison précise. Elle avait déjà demandé à des "camarades" pourquoi ils ont choisi des études pareilles et elle avait reçu plusieurs réponses. Parfois, c'était parce qu'un de leur parent était décédé en service, ou parce que cette personne avait été victime. Dans ces cas-là, elle ne préférait pas en demander plus, c'était déjà dur à supporter pour eux, elle ne voulait pas en rajouter.

[Désolée pour mon retard (j'ai envie de dire "chacune son tour" u_u'), j'avais pas trop la tête à rp ces temps-ci~]

En voyant l’air contrarié que Juliette avait d’abord affiché, Natasha s’était réellement sentit honteuse de ne pas savoir manier les mots correctement et craignait que cette nouvelle interlocutrice qui lui semblait tout à fait charmante et sympathique et s’insultait intérieurement de manquer d’autant de tact. Néanmoins, sa douce interlocutrice retrouva un sourire et la jeune femme blonde parut soulagée ; elle s’en serait voulu d’avoir fait valser une rencontre à cause de sa maladresse à l’oral. Bien qu’il lui arrivait de s’en sortir à merveille, elle pouvait aussi ne pas savoir quel terme employer et s’en voulait tout de suite après. Si Juliette avait décidé de mettre un terme à cette conversation, l’agent du FBI l’aurait compris et n’aurait pas insisté. Après tout, si leurs chemins se croisaient au Behavioral Analysis Unit, elle aurait tout le temps pour s’excuser. De toute évidence, l’étudiante savait qu’elle ne faisait pas son âge. Vingt-quatre ans. C’était étonnant ; la quasi-totalité des femmes n’ayant pas la trentaine paraissent beaucoup plus jeune que leur âge réel. Juliette et Natasha en était un parfait exemple.

La question suivante troubla l’agent du FBI ; son passé, elle préférait ne jamais l’évoquer. Et si elle s’était toujours arrangé pour éviter ce genre de question, c’était avant tout parce qu’elle ne savait jamais quoi répondre. Mentir ? Elle ne savait pas. Dire la vérité ? Ca ne les concernait pas. Esquiver changer de sujet ? Juliette ne lui donnait pas l’impression d’être idiote et, comme elle étudiait le comportement, elle se douterait qu’il y a quelque chose qui cloche. La jeune agent réfléchissait. Que dire ? Elle revoyait nettement le jour où, à l’hôpital, l’agent Hotchner avait passé le seuil de sa porte, lui montrant sa plaque d’agent fédéral et lui posant tout un tas de questions sur son agresseur. Elle revivait aussi l’instant où il était arrivé et lui avait annoncé qu’ils l’avaient arrêté. Il lui semblait sentir les larmes sur ses joues, la joie de savoir qu’aucune autre n’aurait à vivre ce qu’elle avait vécut par la suite, la tristesse en réalisant que ça ne changerait rien à sa propre situation.

Quand j’étais adolescente, il y avait une série d’enlèvements, viols et meurtres dans mon quartier, la police locale a fait appel à des agents fédéraux avec un profiler. Il y avait des victimes qui avaient survécut, je connaissais l’une d’elle. J’étais là quand on lui a annoncé que le coupable était derrière les barreaux… Quand j’ai vu son regard reconnaissant, les larmes dans ses yeux, je me suis dis qu’il y avait tout un tas d’autres personnes dans le monde qui aimerait ça. Des parents proches de victimes qui rêvent d’entendre que le meurtrier de leur enfant, femme, époux, parents a été retrouvé et incarcéré. C’est ce jour-là que j’ai décidé que je ferai ce métier.

Etrangement, elle était parvenue à faire aveux sans se sentir victime et n’avait pas eu les larmes aux yeux. Heureusement, d’ailleurs. Sentant qu’elle allait repartir dans ses souvenirs sombres, elle trouva une question à poser, pour continuer dans l’élan de la conversation.

Vous, en revanche, vous n’êtes pas agent… Pourquoi ? Je veux dire, se reprit-elle, s’apercevant que son interlocutrice n’était pas Albus Dumbledore et ne lisait pas dans ses pensées, pourquoi ne pas devenir agent avant d’être profiler ?

Ce n’était pas la première personne qu’elle connaissait qui ne passait pas part la case « agent du FBI », la première étant probablement Abigail, et Natasha ne comprenait pas réellement ; en devenant agent fédéral, on avait une approche du métier de profiler, on pouvait mieux se rendre compte si on se sentait prêt, ou non, à s’infiltrer dans les pensées des meurtriers. C’était comme une sorte d’examen pour vérifier notre détermination.

Devant la question de Natasha, Ju baissa les yeux sur ses livres, cherchant une réponse. Elle avait pu connaître une victime elle aussi, mais elle ne s'y était jamais attachée, elle l'avait juste soutenue. Cependant, il est vrai que voir une personne dans cet état l'avait aidée dans son orientation. Elle espérait aider des victimes ou leur famille, lors de son stage ou même plus tard. Si on oublie cet évènement, rien ne la rattachait au FBI et à ce domaine. Ses parents travaillaient dans le domaine de la banque et elle ne savait plus ce que pratiquaient les membres de sa famille en France, étant donné qu'elle ne les voyait que rarement. Pourquoi elle n'était pas devenue agent simple avant de devenir profiler ? Aucune idée. Elle se sentit soudain différente des autres, qui, contrairement à elle, avaient une motivation bien précise. Elle releva les yeux et les plongea dans ceux de son interlocutrice.

«Honnêtement, je ne sais pas. A vrai dire, je n'y avais jamais pensé auparavant. Devenir agent aurait pu être un avantage pour le métier de profiler, vous devez sans doute le savoir mieux que moi, mais je n'ai jamais eu cette idée, expliqua-t-elle. J'aurais pu vérifier mon niveau au moins. Mais ce qui est fait est fait, comme on dit. »

Elle sourit, plus par habitude qu'à cause de son contentement. Cependant, son sourire s'évanouit vite et ses yeux se posèrent à nouveau sur ses livres. Elle restait muette, dans ses pensées, en regardant ses bouquins sans les voir. La suggestion de la jeune femme qu'elle venait de rencontrer commençait à la faire douter : il n'était pas trop tard pour qu'elle devienne agent au FBI et pour qu'elle continue ses études en même temps, mais elle avait déjà demandé pour son stage au BAU et allait bientôt voir l'agent Hotchner, chef de l'équipe, pour son entretien. Si elle voulait faire les démarches pour entrer au FBI, il faudrait soit qu'elle abandonne son prochain stage, soit qu'elle attende que celui-ci soit terminé. La deuxième option paraissait la meilleure, pourtant, elle ignorait encore la durée de son apprentissage. Après tout, elle pourrait toujours tenter et ne perdrait rien en cas d'échec. Revenant sur terre, elle reprit la conversation, craignant ennuyer sa nouvelle rencontre.

« Que préférez-vous dans le métier de profiler ? »

Natasha avait mis ces minutes de silence à profit pour réfléchir. Réfléchir à quoi ? A vrai dire, elle ne savait pas réellement. Cette conversation professionnelle avec Juliette, une jeune femme rencontrée il y avait à peine quelques minutes, l'enchantait ; elle avait toujours aimé faire des débats, avoir des divergeances d'opinion, échanger un parcours professionnel, mais jusqu'à présent, ç'avait été centré sur les quelques personnes qu'elle connaissait. Et tout son entourage ne partageant pas sa passion, elle n'avait réellement pût en parler qu'avec Abigail et Ashley. Et contrairement à ce qu'elle avait put penser, elle ne savait pas vraiment les motivations de sa collègue. A vrai dire, elles se parlaient surtout au cours des enquêtes, et pour leurs cours de criminologies qu'elles avaient en commun. Sans cela, elles 'en n'étaient jamais venues à parler de ce déclencheur qui les avait poussé à se diriger dans cette orientation pourtant peu banale. La question de son interlocutrice la fit redescendre sur terre.

Vraiment, sa nouvelle interlocutrice avait des questions plus qu'intéressantes. A chaque fois qu'elle lui en posait une, Natasha était contrainte de se poser des questions sur elle-même, des détails dont elle n'avait parfois jamais réfléchit. Pouvait-elle réellement préférer quelque chose sans jamais avoir réellement put exercer cette profession qui la fascinait ? Elle en doutait. Mais elle prit le temps de se souvenir de tous ses cours, de son expérience en tant qu'agent du FBI, de ses ébauches de profil qu'Ashley et elle se voyaient dans l'obligation d'esquisser afin de pouvoir arrêter un meurtrier.

Je ne sais pas. Je dois avouer que je ne me suis jamais posée la question. Je ne suis pas sûre de pouvoir donner de réponse concrète, étant donné que je ne suis pas profiler, du moins pour l'instant j'ose espérer. Je pense que c'est le fait de voir quels effets ont certains détails sur certaines personnes. Je veux dire ; beaucoup ont vécut des passés semblables, maltraitances, viols, et tant d'autres, et la nature humaine fait que personne ne réagit de la même manière. Il y a d'un côté, ceux qui veulent se battre pour que personne n'ait à revivre ce qu'eux-même ont vécut, et de l'autre, ceux qui pensent qu'ils sont obligé de le refaire vivre... On humanise les tueurs, en quelque sorte, on fait juste ressortir leur faiblesse humaines alors que tout le monde a toujours eu trop vite tendance à les transformer en monstre.

Elle marqua une pause, en profita pour reprendre une grande inspiration. Son regard était devenu vague, comme si elle ne voyait plus ce qui l'entourait, et elle avait enroulé une de ses longues boucles dorées autour de son doigt. Elle s'époustoufflait elle-même. Jamais, elle n'aurait pensé qu'elle était autant attiré par le métier de profiler pour ces raisons, ni que ce qui la motivait chaque jour. Elle venait de découvrir ce qu'elle pensait réellement de son rêve d'adolescente. Reportant son regard de cristal sur sa nouvelle rencontre, elle en profita pour lui retourner la question, laissant ses doigts glisser dans sa crinière blonde.