Lentement, Christopher avait acquiescé, approuvant ses dires. Elle avait raison ; cela ne servait à rien de se forcer, composer était comme l'écriture d'un roman, il fallait attendre, faire des essais, beaucoup, jusqu'à parvenir à un résultat plaisant. Pour le jeune interprète, c'était devenu un jeu d'enfant de composer, à vrai dire, une partie de son cerveau était perpétuellement en train de composer une mélodie, c'était comme s'il ne pouvait pas s'arrêter. C'était d'ailleurs comme cela qu'il parvenait à sortir des albums en un laps de temps très court. Il était persuadé que Kira ferait une excellente compositrice, il le pressentait, il n'aurait su l'expliquer. Mais, pas avare en compliment, il ne dit rien ; de toute manière, la jeune femme devait probablement s'en douter et, comme il le lui avait dit plus tôt dans la soirée, il suffisait de croire en son talent pour que ce dernier apparaisse. Remarquant que le silence envahissait de nouveau leur conversation qu'on pourrait presque qualifié de spirituelle, Christopher tendit lentement une main vers sa house et en sortit délicatement sa guitare. Les yeux brillants de fierté en la voyant, il la posa sur ses genoux et, sans regarder ses doigts, il commença à gratter les cordes. Lentement, bien qu'il les connaisse par cœur, puis, il entama la chanson. Il l'avait composé il y avait peu de temps et ne savait pas si Kira la connaîtrait pour se joindre à lui. Mais il l'espérait ; sa voix si pure et si féminine changeait les chansons et leur donnait un ton plus mélodieux, plus fantaisiste à son goût.

« If I don't learn my lesson the hard way
I don't care
I'm Superman
I don't believe in
Yesterday
And I don't pay
Attention
To what they say
He doesn't touch me
He doesn't hurt me
I'm stronger than they »

Il entamait à présent le refrain. « Mrs Mary » était le titre qu'il lui avait donné. Pourquoi Mary ? C'était une très bonne question, lui-même l'ignorait. Lorsqu'il composait et chantait, il ne regardait pas vraiment si ses paroles avaient une signification précise pour lui. Il reporta alors son attention sur sa charmante interlocutrice et, bien que concentré sur ses paroles, il ne la lâcha pas des yeux un instant, connaissant les accords sur le bout des doigts. Une idée lui traversa alors l'esprit. Furtive et tentante. Il attendait, cependant, d'avoir terminé la chanson avant de faire sa proposition.

Alors que leurs voix se mêlaient l'une à l'autre, que leurs passion commune les faisait indubitablement se rapprocher au fil du temps qui passait, que les paroles qu'ils chantaient en duo s'élevaient dans la nuit comme une offrande à la lune, leurs yeux échangeaient un regard qui en aurait dit long pour quiconque passait à côté d'eux. Sauf qu'il n'y avait personne, à part les deux jeunes musiciens et le chien errant qui ne bougeait plus, à présent, confortablement blottit dans la neige, réchauffé par le maigre buisson. Pour la seconde fois en l'espace de quelques minutes, Christopher se sentit léger et immanquablement heureux, savourant le son formé par leurs deux voix réunies, se sentant proche de quelqu'un pour la première fois de sa vie. Oui. Il avait l'impression de connaître Kira sans rien savoir d'elle, il appréciait sa présence encore inconnue qui, pourtant, lui était d'ores et déjà familière, il admirait le couple que leurs voix créaient. Sans qu'il s'en aperçoive, un fin sourire étira ses lèvres, un vrai sourire, une véritable esquisse, sincère, presque timide.

« I keep walking and
Choosing the wrong way
Unaware
That I'm just a man
Who wants to
Live for yesterday
Yesterday I
Made her cry
And now it's another
One who gets to make her
Laugh
She said don't try to Deny
You're simply not my other
Half »

De nouveau, ils entamèrent le refrain ensemble, dans une parfaite harmonie. Dans leur passion, ils étaient parfaitement synchronisé, formant une symbiose surréaliste. Sans faire vaciller son regard, Christopher pinçait les cordes de son instrument préféré lentement, gardant toujours le même rythme. Le musicien ne comprenait pas tout ce qu'il se passait à cet instant, pourquoi il ne parvenait pas à détacher les yeux de la jeune asiatique, quelle était cette boule chaude au fond de son être. Les questions se bousculaient sans qu'il puisse leur trouver de réponse pour l'heure. En parlant d'heure, il se faisait tard, Kira voulait peut-être rentrer chez elle, surtout si elle travaillait le lendemain. Cette idée lui déplaisait ; pour une fois qu'il se sentait réellement en paix au fond de lui-même, il fallait que ses pensées le ramènent à la dure réalité. Il continuait cependant de chanter, sa voix ne trahissant jamais le champ de bataille qui faisait rage dans son cerveau, et allait sur la fin du dernier couplet, à présent.

Ne jouant plus avec les cordes de sa précieuse guitare, les lèvres scellées l'une à l'autre comme dans une promesse de silence, Christopher avait retrouvé son visage à l'expression impassible. Seul son regard était remplit d'éclats différents, d'étincelles de bonheur. Le bonheur d'avoir trouvé quelqu'un avec qui échanger quelques paroles, le bonheur d'avoir déniché une personne qui ne le contraignait pas à parler lorsque le silence suffisait, le bonheur de pouvoir savourer les longs blancs qui s'installaient à la fin d'une chanson sans auditoire. Tout du long, ils ne s'étaient pas lâchés des yeux, et encore maintenant, aucun ne voulait poser ses perles brunes sur autre chose que son interlocuteur. Même Christopher était plongé, noyé, envoûté, par ce puits basané duquel il ne voulait surtout pas en sortir. Il n'avait pas esquissé le moindre geste pour ranger sa guitare. A vrai dire, l'idée qui lui était venue alors qu'il chantait lui revenait une seconde fois et, cette fois-ci, il décida qu'il pouvait la proposer à Kira. Ouvrant alors la bouche pour briser le silence, il lui dit de sa voix douce à l'intonation grave ;

Si vous le souhaitez, je peux vous apprendre à jouer de la guitare.

Christopher était doté d'une excellente mémoire et il se souvenait parfaitement de l'envie de la jeune asiatique d'apprendre un autre instrument de musique. Lui-même ayant une nette préférence pour la guitare et la jeune femme ayant parlé d'apprendre de l'instrument à corde, il lui semblait naturel de mettre ses talents à son service. Peut-être trouverait-elle plus simple de composer sur une guitare plutôt qu'avec un piano ? Et puis, cela lui donnait un prétexte pour la revoir, car oui, bien que tous les psychologues qu'il ait pu voir l'aient, jusqu'à présent, placé dans la catégorie sociopathie, il ressentait, au fin fond de son être et dans toute son âme, une puissante et irrépressible envie de garder contact avec Kira. Pourquoi ? Il l'ignorait. C'était une envie, comme ça. Elle pouvait très bien passagère, comme définitive, il n'en savait rien et ne jugeait pas utile de s'en pré-occuper maintenant.

S'il n'en laissait rien paraître à l'extérieur, Christopher souriait intérieurement, ravie de la réponse enjouée de Kira. Sans qu'il puisse l'expliquer, il était indéniablement heureux qu'elle ait accepté sa proposition. Il l'observa plusieurs minutes, trouva que sa veste en cuir lui allait étonnamment bien, même si elle était trop large pour sa carrure menue et trop grande, tant et si bien que les manches lui cachaient les paumes de ses mains. Et puis, il la vit tendre la main vers lui, sentit ses doigts s'infiltrer dans ses cheveux afin de faire tomber les flocons qui étaient venus déposer leur campement. L'air grave, il la regardait toujours quand elle caressa sa joue du bout des ongles, ne bougea pas jusqu'à ce qu'elle retire sa main. Ce simple contact, comme lorsqu'il lui avait tenu le poignet, semblait l'avoir brûlé et ses pensées lui échappaient, incontrôlables. Il perçut son trouble et lui-même ne savait que faire, à présent. Il craignait de ne plus pouvoir se contrôler, s'il restait avec Kira, mais ne voulait pas la laisser. Il ne cessait de se répéter que c'était parce qu'elle était une musicienne hors pair, qu'il ne désirait qu'une chose : parler musique. Encore et encore. Jamais, Christopher ne pourrait se lasser de ce sujet. Et pourtant, avec la jeune femme, il aurait aimé avoir une autre conversation, parler d'autre chose, pouvoir apprendre à la connaître. Agir comme quelqu'un d'un peu plus normal que lui. Bien qu'il ne sache pas réellement où finissait la normalité et où commençait la différence. C'était d'ailleurs un thème très controversé, et, bien plus tôt dans le temps, il y avait souvent où des polémiques à propos des personnes différentes, sur le plan physique - c'était d'ailleurs plutôt ironique puisqu'en réalité, tout le monde est différent, et c'est cela qui fait que nous sommes uniques - et de leur rôle dans la société... Il poussa un soupire intérieur. Réfléchir sur les définitions du mot normal n'allait, en rien, l'aider à trouver un sujet de conversation. Il raffermit alors sa prise sur sa guitare, resserrant ses longs doigts autour du manche. Puis, baissant le regard vers l'objet, il la tendit à son interlocutrice. Elle voulait apprendre à jouer ? Il allait le lui apprendre, bien qu'il ne fut pas certain d'être un excellent professeur, et encore moins de savoir expliquer correctement.

Première leçon de guitare.

Il ne savait pas si elle allait prendre la guitare, ou bien s'excuser et rentrer chez elle. Et il avait conscience que ce n'était pas une heure décente pour jouer d'un instrument de musique au milieu d'un parc public, d'autant plus qu'avec la nuit qui était déjà bien avancée, un vent froid soufflait de temps en temps, leur balançant ainsi les flocons qui recouvraient le sol ou les arbres. Il n'y prête aucune attention. Il attendait simplement de voir la réaction de la jeune musicienne.

Rassuré en voyant que la jeune asiatique le soulager du poids de sa guitare, il fut émerveillé de constater à quel point son instrument préféré étincelait dans les mains de son interlocutrice. A moins que ce ne soit son interlocutrice, qui devenait radieuse avec cette guitare immaculée en sa possession. Quoiqu'il en soit, il était ébahi devant un tel spectacle et aurait juré que c'était naturel de la voir avec une guitare dans les bras. Il sentit néanmoins son appréhension et sa nervosité, ce qu'il ne semblait pas comprendre, trop habitué à manipuler cet instrument. Afin de la mettre plus en confiance, il réajusta la guitare dans ses mains et, se levant du banc, il se positionna face à elle et, après s'être mis à sa hauteur, il posa ses mains sur les siennes, plaça ses doigts comme il le fallait, tout en lui présentant les différentes notes, avant de lui avouer que lui-même préférait ne pas les utiliser. En réalité, il était capable de les reconnaître en écoutant une chanson et n'avait pas besoin de lire les partitions pour les rejouer bien que ça lui soit utile.

Je pensais vous apprendre Down, de Jason Walker. Ce n'est pas la plus simple que je connaisse, mais elle est rapide à jouer et à apprendre... Je vais vous montrer les accords.

Il récupéra sa guitare, joua le début, indiquant à Kira que c'était à ce rythme-là qu'elle serait capable de la jouer après un peu d'entraînement, puis il le joua de nouveau, plus lentement cette fois-ci, et il se répéta plusieurs fois pour que la jeune femme puisse retenir ses gestes, les accords. Il finit par rendre l'instrument à son interlocutrice et la laissa essayer, la coupant parfois pour reprendre ses gestes, replacer ses doigts, lui donnant quelques conseils. Il avait changé, du tout au tout, ne ressemblait plus à l'homme qu'il avait été jusqu'à présent. Il semblait plus humain, pour la toute première fois de sa vie, et il se surprenait lui-même.

Il n’avait pas compris la raison de son merci, avait levé le regard vers elle, le visage inexpressif, mais un regard interrogateur. Le remercier ? A quoi bon ? Il ne faisait pas grand-chose. N’importe qui aurait pu lui apprendre la guitare et, avec son talent, elle aurait même pu l’apprendre toute seule. Comme lui l’avait fait avec la plupart des instruments. Il reprenait toujours ses gestes et accords lorsqu’il le fallait et n’hésitait pas à siffler l’air et marquer les rythmes par des légers coups de la main donnés dans le vide. Kira était un prodige. Alors qu’elle assurait qu’elle n’avait jamais touché une guitare, elle s’en sortait royalement bien pour une première fois. Il lui faisait répéter le même morceau, afin qu’elle assimile bien et il sentait qu’elle prenait, petit à petit, de l’assurance. Il suivait ses longues mains fines et blanches des yeux, ne les lâchant sous aucun prétexte, acquiesçait lorsqu’elle réussissait un accord. Il s’excusa, lui demanda s’il pouvait reprendre sa guitare pour lui montrer la suite. Son instrument favoris dans les mains, il se décala, posa le pied sur le banc de façon à pouvoir caler sa guitare sur sa cuisse, et il joua la suite, tout comme il lui avait montré le début. Cette fois-ci, il lui donna immédiatement les conseils qui pourraient l’aider à la jouer presque parfaitement du premier coup et lui rendit la guitare. Christopher observait les moindres mouvements de la jeune asiatique, la laissait faire toute seule dans un premier temps, puis lui demanda de recommencer et, cette fois-ci, il la reprit à quelques reprises. Elle s’améliorait à vue d’œil, c’était surprenant. Presqu’irréel.

Vous êtes très douée, pour quelqu’un qui n’a jamais touché de guitare auparavant. Essayez de mettre vos doigts un peu plus…

Il s’approcha, reprit ses doigts, les positionna correctement, le regard concentré sur la façon de les mettre pour que le morceau sonne mieux. Elle avait les doigts plus fins que lui, et pouvait se permettre de placer ses doits d’une façon que lui, ne pouvait pas. Il releva ensuite la tête, et s’aperçut qu’il était plus proche de son visage qu’il ne l’avait imaginé. S’il ne sembla pas se troubler de l’extérieur, il ne savait, en réalité, pas du tout comment réagir et son cerveau analysait la situation. Son regard profond encré dans celui chocolat de son apprentie en musique, il pouvait sentir son souffle venir s’écraser contre son visage tant ils étaient proches.

Comme ceci…, souffla-t-il. Réessayez.

Il s’éloigna vivement, ne comprenait pas pourquoi, à chaque fois qu’ils se touchaient ou semblaient proches tous les deux, il avait l’impression de prendre feu. Il était d’ailleurs quasiment certain qu’il allait finir par flamber s’il restait en sa compagnie. Tant pis, il flamberait. C’était tellement rare qu’il se sente aussi bien avec quelqu’un, qu’il désirait en profiter un maximum. Après tout, peut-être qu’il ne reverrait jamais… Non ! Bien sûr qu’ils se recroiseront, il n’allait pas finir de lui donner tous les cours de guitare en une soirée. C’était absurde, il lui faudrait beaucoup d’entraînement avant de manier la guitare aussi bien qu’elle maniait sa voix et le piano.

Décontracté, relaxé, détendu, paisible, serein. Tant d'adjectifs pour décrire l'état actuel de Christopher, que le froid ardent commençait tout juste à toucher. Bien qu'il paraisse normal pour quiconque le connaisse un tant soit peu qu'il ait une attitude étrange, parfois même effrayante lorsqu'il passait d'une personne renfermée et froide, à un calme presque surnaturel, tout ceci en l'espace d'une fraction de seconde, lui-même trouvait qu'il agissait différemment ce soir-là ; certes, la musique avait toujours eu un effet apaisant sur lui, mais jamais à un tel degré, surtout en présence d'une autre personne. Mais il fallait croire que la neige pouvait aussi jouer sur son humeur. Les flocons venaient se déposer sur ses bras nus avant de fondre pour laisser une simple gouttelette qu'il essuyait d'un revers de la main, s'apercevant à chaque fois qu'il répétait cette action que ses bras étaient frais et, contrairement à ce qu'on aurait pu penser, il laissait davantage ses mains contre ces parties froides pour se rafraîchir les mains que pour se réchauffer. Perdu dans sa réflexion sur son propre fonctionnement, ses pensées sur lui-même, sur son existence et tant d'autres questions qu'on aurait pu qualifier de philosophiques, il ne s'aperçut pas tout de suite que Kira s'était mise à chanter. Un brin de jeune femme perturbante, troublante, bien que charmante et intrigante pour l'artiste. A mesure que sa douce voix au timbre fin et mélodieux le pénétrait pour prendre possession de lui, il laissa ses pulsions d'hommes prendre le dessus, juste le temps de la détailler. Il remarqua les traits jeunes de son visage, ses fines lèvres vermeilles articulant avec douceur les paroles de la chanson qu'il lui apprenait, ses épaules menues qui semblaient perdues dans son épais blouson en cuir, ses petites mains posées sur sa guitare, ses longs doigts parcourant les cordes. Il laissa son regard ténébreux glisser sur le corps de Kira qu'il savait élancé, même s'il était, pour l'instant, caché par la guitare. Bercé par la voix cristalline de la jeune asiatique, le musicien prodige caressa chaque parcelle de la silhouette filiforme de ses yeux sombres puis, restant toujours debout et conservant un œil sur les gestes de la jeune femme pour les accords, il se joignit à elle, mêlant leurs deux voix différentes pour la première fois depuis qu’ils avaient commencé à converser. Le mélange était divin. Lui avec son timbre plus grave, son accent français qui refaisait surface, et elle, avec sa voix fluette, aigüe. Une chance qu’il fasse nuit, se disait Christopher, sans quoi, ils auraient été rapidement entourés par une horde de personne ne sachant différencier les vrais chanteurs de ceux qui osent jouer avec du play-back, et ils auraient vite oppressés. Tant et si bien qu’il était peu probable que Christopher eut supporté un tel évanouissement de la liberté qu’ils avaient eu jusqu’alors. Mais non, le parc était désert, même le chien errant semblait avoir quitté son terrier, sans doute à la recherche de quelque chose à manger.

Les poumons remplis d’air, les yeux aimantés sur son interlocutrice, Christopher chantait, n’hésitant pas à changer certaines notes comme il aimait si bien le faire en live, ou à crier, de telle sorte qu’on entendait parfois leurs échos qui se répétaient inlassablement tandis qu’ils enchaînaient refrain sur couplet dans un duo parfait. Malgré lui, un sourire était venu étirer ses lèvres et il ne pouvait que béat d’admiration devant le couple harmonieux que formaient leurs deux voix. La chanson, malheureusement, ne dura pas aussi longtemps qu’il l’aurait voulu. Accompagné par Kira, il entama le refrain une nouvelle fois, les yeux mi-clos par ce doux son qui susurrait à son oreille, son pied battant la mesure sur le sol.


Cela lui faisait bizarre de ne pas sentir les cordes de son instrument fétiche glisser sous ses doigts de guitariste. Mais ça valait tellement le coût qu’il se promit de lui faire un autre compliment sur ses progrès plus que remarquables pour une première leçon. Que lui avait-il dit, déjà ? Qu’elle était très douée ? Il se rendait compte que les mots étaient faibles, mal choisis, hésitants. Mais que lui arrivait-il ? Lui qui n’avait jamais été avare en compliment était sur le point d’en offrir deux à une demoiselle tout à fait charmante, en l’espace de quelques minutes. S’il avait été superstitieux, il lui aurait demandé quel diable de sortilège elle lui avait lancé pour qu’il en vienne à ne plus se reconnaître lui-même. Seulement, il ne croyait en rien, sauf en la Musique, et n’était pas près de s’avouer que le charme de la jeune artiste ne le laissait pas indifférent. La chanson terminée, il ne retint pas un sifflement admiratif et la félicita pour ce résultat qu’il, il l’avoua sans la moindre gêne, n’attendait pas aussi rapidement, mais plutôt au bout de plusieurs séances. Cette première leçon terminée, à court d’idées de conversation et, surtout, se souvenant que son interlocutrice travaillait le lendemain et que lui-même devait répéter dans un studio d’enregistrement, il lui proposa de la raccompagner jusqu’à chez elle, ne sachant pas s’il désirait vraiment mettre un terme à cette si délicieuse soirée.

Les rues ne sont pas sûres à cette heure, je préfère vous raccompagner chez vous, préféra-t-il avancer comme argument au cas où elle aurait l’idée folle de vouloir rentrer seule.

En vérité, il avait encore quelques questions à lui poser à propos d’elle, de sa musique. Et prendre quelques jours pour se revoir afin de continuer les leçons de guitare. Oui, il n’avait que la musique à la bouche, mais que voulez-vous ? C’est un passionné depuis l’enfance, on ne le changera pas.

C'était un sentiment étrange qui l'engourdit lorsqu'elle accepta sa proposition. Savoir qu'il allait pouvoir passer quelques minutes supplémentaires, près d'elle, continuer à bavarder, savourer les silences qui peuplaient leur conversation. Non, ils ne la pleupaient pas. Ils la ponctuaient. Alors qu'ils se mettaient en route, il la rassura. Ou du moins, lui mentit pour pouvoir la rassurer. Non, il n'habitait pas dans cette direction, mais il savait qu'il pouvait rejoindre sa rue s'il retournait vers le bar qu'ils avaient quitté des heures plus tôt. De toute manière, en aucune façon sa sociopathie ne l'empêchait d'être un parfait gentleman, et il savait se montrer poli et courtois en si bonne compagnie. Une compagnie qui attisait sa curiosité et il ne savait pas comment faire pour atténuer cette envie d'en savoir plus sur elle. Sauf que ce n'était pas dans ses habitudes et il ne savait pas comment s'y prendre pour ne pas paraître indiscret. Oui, pour la première fois de sa vie, Christopher se sentait mal à l'aise devant une situation qui lui était inconnue. Que pouvait-il dire qui ne risquerait en aucune façon de froisser Kira ?

Cela fait longtemps que vous vivez à Quantico ?

Lui-même n'avait emménagé que quelques années plus tôt, il n'avait pas encore tous ses repères dans cette ville, mais jamais il n'avait croisé la jeune asiatique, pourtant la ville était petite. C'était sans doute pour cela qu'il ne s'y sentait pas chez lui. Il avait beaucoup déménagé, mais avait souvent vécut dans des grandes villes ; au Canada, il avait vécut à Toronto, puis à Mississauga, avant d'aller s'installer à Montréal. Là-bas, il avait été repéré par des producteurs français et avait dû venir à Paris. Mais la capitale française, trop vaste et trop polluée, l'avait vite lassé et il n'avait mis longtemps avant de descendre à Lyon. Là encore, il n'avait pas aimé. Puis il était retourné aux Etats-Unis. Il écoutait sa réponse attentivement, marchant à pas léger. Leurs pas semblaient coordonnés, ils marchaient à la même vitesse, et le musicien ne put s'empêcher de le remarquer. Cela avait-il une signification précise ? Il n'en n'avait aucune idée. Les yeux devant lui, il finit par lever la tête, observa les étoiles quelques minutes. Elles semblaient ternes, maintenant qu'il avait vut sa guitare rayonner dans les mains de Kira.

Il faudra que nous prévoyons un jour pour que je puisse vous donner d'autres cours. Si vous avez un moment de libre, vous n'aurez qu'à m'appeler.

Il sortit de sa poche un médiator noir, avec ses initiales gravées en lettre argentées. Son agent avait tenu à lui en faire un tas comme ça, et il avait même décidé de rajouter son numéro de téléphone au dos. Une sorte de carte de visite personnalisée. Il le tendit à Kira et dès qu'elle l'eut pris, il plongea sa main dans sa poche. Du bout des doigts, il caressa son briquet. Détendu comme il l'était, il ne ressentait pas le besoin, ni l'envie, de fumer une cigarette. De toute manière, il ne se le serait pas permis ; dans le bar, il avait bien remarqué que sa charmante interlocutrice avait été gênée par la fumée, et ne voulait aucunement faire d'elle un fumeur passif.

Comment aurait-elle pu ne pas accepter la proposition que Christopher venait de lui faire ? Alors qu’elle s’était préparée mentalement à lui dire «au revoir» et, de même, quitter ce calme magnifique, il lui avait proposé de la raccompagner chez elle. Si un autre homme lui avait demandé, elle aurait refusée. Après tout, elle faisait partie de la SWAT ! Avant d’y entrer, elle avait dut passer les vingt-et-une semaines d’entrainement et d’évaluation. Durant ce petit séjour à Quantico, elle avait apprit le corps à corps et pouvait facilement mettre K.O un homme de taille moyenne. Malgré ses airs de femme fragile, Kira surprenait toujours les gens par ses techniques de combats. Et puis, elle savait parfaitement tirer. Le seul problème, si elle avait du utiliser son arme, était qu’elle ne la possédait pas encore. Mais cela important peu en ce moment, puisqu’elle se faisait raccompagner par Christopher. Il lui dit qu’il n’y avait aucun problème à ce qu’il la raccompagne, qu’il habitait dans la même direction. Bizarrement, elle ne le crut pas vraiment, mais elle ne dit rien. Elle lui sourit gentiment, tout simplement. Lentement, ils se mirent en marche. Là encore, un silence vint s’installer. Le musicien, après un petit moment, lui demanda si cela faisait longtemps qu’elle vivait à Quantico. Cette question fut naître une nostalgie en elle. Las Vegas lui manquait, avec ses touristes, ses casinos, ses mariages, ses lumières de toute les couleurs, sa magie. Tout comme New-York lui manquait. Après avoir vécu dans ces deux grandes villes, elle trouvait Quantico bien terne, malheureusement.

« Un mois, tout au plus … J’habitais à Las Vegas avant, mais j’ai été mutée ici à cause de mon travail. Je ne suis pas encore habituée à ce … «calme», si on peut dire ! Jusqu’à mes seize ans, j’ai vécu à New-York, et ensuite LV, alors, dison que j’adore les villes où il y a plus d’action.»

Oui, les villes trop clames l’avaient toujours intimidée, comme si elle avait peur de s’ennuyer, de ne rien avoir à faire. Malgré tout, elle ne connaissait pas encore très bien la ville où elle résidait, et donc, ne voulait pas sauter aux conclusions trop rapidement.

« Et vous ? Depuis combien de temps habitez-vous à Quantico ? »

Elle ponctua sa phrase d’un petit sourire enfantin mais encore emplit de nostalgie. Levant la tête, elle observa les étoiles, ces choses scintillantes qu’elle n’avait eu la chance de voir que quelques fois dans sa vie, émerveillée. Pas autant que lorsqu’elle avait eu la guitare de Christopher entre les mains, mais presque ! À New-York, il y avait tellement de lumières qu’elle ne les avait jamais vraiment vues étant jeune. C’était dans le désert de Las Vegas qu’elle les avait vues pour la première fois. Encore aujourd’hui, elle était toujours émerveillée de les voir dans le ciel. Doucement, elle laissa vaguer son regard devant elle, observant la ville endormie devant elle. Écoutant attentivement la réponse du jeune musicien, elle enfouit ses fines mains dans les poches du manteau de cuir trop grand qu’elle portait. Il lui dit ensuite qu’il faudrait qu’ils prévoient une nouvelle rencontre pour continuer les cours de guitare. Ensuite, il lui tendit un médiator noir, avec ses initiales gravées en lettre argentées. Elle sentit les doigts de l’homme déposer le dit médiator dans sa paume de main qu’elle venait à peine de sortir de la poche chose du manteau. Le tournant dans ses doigts, elle observa au dos un numéro de téléphone, celui de Christopher. Elle fixa un moment cet objet, souriante, sachant qu’elle avait le numéro d’un homme très intéressant entre les mains. Et elle savait qu’ils allaient se revoir. Ce qui ne pouvait que plus la ravir. Mais, elle devait arrêter. Brutalement, elle cessa de sourire niaisement et enfui rapidement le médiator dans la poche de sa jupe noire.

« Je vous appellerais dès que j’aurais un moment de libre. »

Dit-elle, souriante.

[Pardon d'avoir tardé à répondre Tasha T_T Je m'en veux énormément ! Mon poste n'est pas extra, mais j'espère que tu as toujours envie de continuer le sujet ;^;]

Las Vegas, New York. Deux grandes villes qu’il n’avait jamais visitées, mais qui ne l’avait jamais vraiment attiré. Il ne savait pas pourquoi ; il pourrait aisément trouver son bonheur. Même s’il n’était pas adepte des grandes villes. Ni des petites, d’ailleurs. En réalité, il était plus difficile qu’il n’y paraissait, et ne se sentait pas chez lui partout où il pouvait aller. Enfin, le Canada mis à part. Mais ce pays était une étrange exception, il semblait l’appeler. Comme la guitare. Et Kira. Trois exceptions. Trois choses différentes. Trois attraits particuliers. Un instrument, une ville, et une femme. Il se surprenait ; jamais, jusqu’à présent, il n’avait ressentit le moindre intérêt pour une personne. Du moins, une personne vivante. Kira était vraiment étrange. Comme il aurait put s’y attendre, elle lui retourna la question. Il s’était préparé à cela, et ne mit pas longtemps pour lui répondre ;

Un an. Peut-être un peu plus. Je vous avouerai ne pas tenir compte du temps. Cela dit, même si ça fait déjà pas mal de temps que je vis dans cette ville, je ne la connais pas encore très bien. Je sors très peu, et en général, je fréquente toujours les mêmes coins…

Il se tut presque soudainement, s’apercevant qu’il lui parlait de lui-même, ce qui ne lui était pas arrivé jusqu’alors. Pourquoi lui révélait-il ses habitudes ? Il ne la connaissait, pour l’instant, pas, mais avait cette… Envie – à défaut d’autres termes – de mettre toutes les chances de son côté pour croiser à nouveau son chemin. Pourquoi ? Il l’ignorait. Ou plutôt, il feignait ne pas entendre ce murmure qui lui soufflait la réponse à ses interrogations qui avaient survenues depuis qu’il avait commencé à parler avec Kira.
Son regard rencontra son sourire et il ne put empêcher ses lèvres de s’étirer à leur tour. Tandis qu’elle dardait ses yeux chocolat sur les étoiles, il l’observait. Toujours. Sans la lâcher du regard. Jamais. Ses billes ténébreuses étaient aimantées vers elle, collées sur son corps attrayant. Avec son blouson en cuir, ça lui donnait un style que les français qualifieraient de très US ; une veste trop grande pour une jeune femme magnifique. Il la regardait toujours lorsqu’elle enfouit son propre médiator dans sa poche.

J’en serai ravi. Je suis toujours joignable sur ce numéro. Enfin, sauf en tournée, mais j’en ai pas de prévu pour l’instant, répondit-il de sa voix grave, d’un ton doux et un sourire flânant sur son visage. Puis-je savoir quel métier vous exercer, pour que vous soyez si prise ?

Il ne se doutait pas un seul instant que celle qui représentait pour lui une fascination sans nom faisait partit de ceux qui arrêtait les monstres comme lui.

[ HJ : T'en fais pas, je comprends Pour ma part, je m'excuse pour la taille >< ]

Alors que certains n'aimaient pas les grandes villes, elle, elle en était friande. Elle rêvait de pouvoir visiter son pays d'originale, la Corée du Sud. Peut-être même vivre à Séoul pendant quelques temps. Ou même à Tokyo ! Ces villes lumineuses et si chaleureuse. Mais, son coup de coeur restait toujours Séoul, même si elle n'y avait jamais vraiment mis les pieds. Elle alimentait ses rêves grâce aux images, à la correspondance avec son meilleur ami qui faisait partit d'un groupe là-bas, à la langue, quelle utilisait souvent même si elle se parlait plus à elle-même. De ce fait, elle avait toujours l'air d'une folle. Elle n'avait jamais vraiment rencontré quelqu'un qui sache parler le coréen, alors elle se pratiquait avec elle-même dans l'espoir qu'un jour, cette langue qu'elle aimait tant lui serve quotidiennement. Qui sait, peut-être qu'à un moment, elle se lasserait de la SWAT et lâcherait tout pour allez explorer le monde et vivre de la musique. Mis à part ses parents et un métier, rien ne la retenait vraiment à ce continent et ces cultures occidentales. Depuis son plus jeune âge, sa mère l'avait élevée comme on aurait élevé un enfant en Asie. Elle n'avait, bien sur, jamais maudit sa mère. Cela la rendait différente, à sa façon.

Elle fut surprise d'entendre le musicien répondre à la question qu'elle lui avait retournée. Elle s'était attendu à ce qu'il garde le silence, mais bizarrement, il avait parlé. Souriant légèrement, elle se dit que, peut-être, il s'ouvrait un peu à elle. Ce qui la rassurait. Elle avait vraiment envie de le revoir et savoir qu'il pouvait se sentir à l'aise avec elle lui donnait le sourire. Il lui dit qu'il vivait à Quantico depuis environ un an, peut-être plus. Il ne tenait pas vraiment compte du temps, ajouta-t-il par la suite, et il ne sortait pas beaucoup, de ce fait, il ne connaissait pas beaucoup la ville. Enfouissant ses mains dans les poches du manteau en cuir appartement à Christopher, elle n'ajouta rien de plus, car elle sentit que l'homme se tut presque soudainement. À bien l'observer, il n'avait pas l'air de quelqu'un qui étalait sa vie au grand jour. Elle l'observa d'un regard doux avant de reporter son attention sur les nombreuses étoiles qui parsemaient le ciel en cette soirée d'hiver. Un petit flocon de neige se posa sur le fin nez de la coréenne et rigolant, elle souffla vers le haut, comme une enfant l'aurait fait. Et oui, les habitudes revenaient toujours, et même si la jeune femme n'aimait pas qu'on voit son côté gamine, qui faisait fuir plus d'un homme, elle ne pouvait jamais se retenir bien longtemps. Il va me prendre pour une arriéré doublée d'une débile, j'en suis sûre, se dit-elle, alors qu'elle détournait le regard vers le sol, se mordant la lèvre. Soupirant, elle posa son regard sur le visage de l'homme et le surprit à sourire. Commençait-il à entrevoir le vrai visage de Kira ? Une jeune femme belle et mature de l'extérieur, même dans sa parole, mais qui cachait une enfant ? Elle gonfla ses joues rosies par le froid, manie qu'elle avait quand elle ne savait plus quoi faire. Elle en avait des petites manies. Parfois, on les remarquaient facilement, parfois, c'était plus ardu.

Une fois qu'il lui offrit son médiator et qu'elle lui promit de l'appeler, il lui dit qu'il serait ravi et qu'il était toujours joignable à ce numéro, sauf pendant les tournées. Mais, il ajouta qu'il n'en avait aucune de prévu pour l'instant. Souriant légèrement, elle aimait la façon qu'il avait de parler, si maladroite. Comme s'il ne savait jamais quoi dire, mais qu'il se devait d'ajouter quelque chose. Comme s'il avait peur que la conversation prenne fin. Par la suite, il lui posa la question fatidique. Que faisait-elle comme travail, pour qu'elle soit toujours aussi prise. Devait-elle lui dire qu'elle faisait partit de la SWAT ? Après tout, bien des hommes avaient ris au nez de la pauvre Kira quand elle leur avait dévoilé sa profession. Malgré tout, elle se lança quand même.

« Je travaille à la SWAT. J'arrête les gros méchants loups.», dit-elle, prenant sa voix d'enfant.

Oui, elle appelait secrètement les tueurs en série les «gros méchants loups». Elle ne savait pas pourquoi, en fait. D'où lui venait cette expression, déjà ? Elle ne s'en souvenait même plus. Ah, si. Elle avait un vague souvenir ... Son professeur de tir à Las Vegas avait pour habitude de dire : «Les jeunes, pour réussir à atteindre correctement votre cible, vous devez vous placer de cette façon.». Il tirait rapidement, avec une immense précision puis ajoutait : «Le méchant loup est mort». Fronçant les sourcils, elle poussa un petit gémissement. À croire qu'il fallait toujours qu'elle passe pour l'idiote de service. Elle se racla la gorge avant d'ajouter, penaude :

«Pardon, je voulais dire, les tueurs.»

[Désolé encore pour ce long retard *présente ses mains pour que Tasha les frappes avec une règle xD*]

Il s’était remis à neiger, peu à peu. Lentement, doucement. Les flocons voletaient dans le ciel paisiblement, tels de petits papillons qui viendraient embellir le ciel un jour d’été, avant d’aller décorer le sol de leur blancheur surnaturelle. Tendant une main, Christopher observa un flocon venir fondre au creux de sa paume avec douceur, comme l’état de bien être dans lequel le musicien se trouvait actuellement. Etat provisoire puisqu’il allait, en effet, connaître une fin plus que prématurée. Il avait commis l’erreur presque monumentale de lui demander quelle profession elle exerçait, sans se douter un seul instant de la réponse. Il comprit sa bourde lorsque Kira prononça le mot SWAT. Alors qu’il avançait d’un pas léger, et assuré, aux côtés de la jeune femme, il se stoppa soudainement à ces mots, et son visage perdit quelques couleurs. Membre de la SWAT. Il ne tiqua pas lorsqu’elle nomma les hommes comme lui les « gros méchants loups » pas plus qu’il ne réagit quand elle se reprit. Une brique venait de s’abattre sur lui comme une bombe sur une ville, et toute la joie, le bonheur qu’il avait crut ressentir jusqu’à présent s’envola comme de la fumée. Kira était flic. Ou plutôt, des forces spéciales, ceux qui aidaient les agents fédéraux à l’arrêter. Voyant que la jeune asiatique s’était, à son tour, arrêtée et tournée vers lui, il tenta de reprendre contenance et la rejoint, parvenant tant bien que mal à cacher son mal aise.

- Agent de la SWAT ? Eh bien, on peut dire que ça ne rigole pas… Je vous avouerai que je ne m’attendais pas du tout à cela… Sans vouloir vous vexer, vous êtes loin de l’idée des agents de la SWAT que je m’étais faite ; enfin, je veux dire… Vous paraissez si frêle que j’avais pensé que vous faisiez une toute autre profession…

Il était parvenu à balbutier une phrase tant la stupeur l’avait cloué sur place. S’il était attendu à cela ! Toute la beauté de leur rencontre s’estompait, autour de lui. Il voyait déjà les quelques phrases qu’ils avaient échangé s’envoler dans le ciel, s’entremêlant aux flocons blancs. Il baissa les yeux sur le manteau blanc du sol, incapable de dire quoique ce soit de plus. Il voulut reprendre la parole, mais il préféra attendre que son visage ait reprit quelque couleurs, avant de parler.

- C’est un très beau métier. Un job très juste. Vous sauver de nombreuses vies en arrêtant des… psychopathes. Mais… Vous n’avez pas peur ? Je veux dire, vous frôlez très souvent la mort, du moins, je l’imagine. Ce doit être très dur de se dire qu’à chaque mission, on peut très bien y rester… Je ne suis pas quelqu’un de très courageux, je l’avoue, et j’admire votre courage d’exercer un tel métier. Vraiment.

Une fois la surprise de l’annonce passée, Christopher avait recouvré son habituelle assurance, et s’était exprimé de sa voix grave et douce. Pour ne pas changer à son caractère, il avait été sincère, même s’il devait faire très attention à chaque parole qu’il prononçait. Il regrettait presque – car oui, étant un sociopathe de nature, il ne pouvait avoir de remord véritable – d’avoir lancé le sujet. Maintenant qu’il connaissait le travail de Kira, c’était comme si la complicité qu’ils avaient eu jusqu’alors s’était éteinte pour faire place au froid de l’hiver. C’était comme s’il ne pouvait plus être proche d’elle parce qu’un jour ou l’autre, elle finirait par apprendre qui il était, réellement. Et cette idée lui était insupportable. Bien que ça ne fasse que quelques heures qu’il la connaissait et bavardait avec elle, il ne voulait pas avoir à lui mentir. Et encore moins à la trahir. Il ne comprenait décidément pas ce qui lui arrivait, ni pourquoi il réagissait ainsi avec elle. Mais l’idée d’être contraint à jouer de sa crédulité ne lui plaisait pas. Malheureusement, s’il voulait ne pas avoir la blesser, il devait immédiatement cesser de lui parler ; ce dont il était incapable. Même s’il y mettait toute sa volonté, il se connaissait assez pour savoir qu’il n’aurait jamais la force de perdre tout contact avec Kira. Elle n’était pas comme ses parents, qui le collaient toujours trop, ou comme les autres musiciens de ses anciennes troupes, qui cherchaient toujours à enregistrer une chanson avec lui ou qui essayaient de trouver n’importe quel prétexte pour pouvoir lui parler. Non. Elle était tellement… Tellement quoi, d’ailleurs ? Il n’y avait de mots assez forts pour la décrire.

[ HJ : A mon tour de me confondre en excuse pour le retard de ma réponse... J'ai voulu compenser avec la taille, mais ça n'a guère fonctionner T_T. Next time, maybe. En espérant que tu auras toujours envie de continuer ce sujet ]

Main ouverte, paume vers le ciel, elle attendait patiemment que les flocons fondent grâce à la chaleur de son corps. Elle attendait aussi que Christopher réagisse à l'annonce qu'elle venait de faire quand au métier qu'elle exerçait. Rare étaient les hommes qui réagissaient positivement quand elle leurs annonçait qu'elle faisait partit de la SWAT. Kira se demandait alors pourquoi cela créait des réactions si étranges. Soit ils riaient en croyant qu'elle rigolait, soit ils ne la croyaient tout simplement pas à cause de son physique, soit ils prenaient peur et mettaient fin au rendez-vous. Soupirant, elle se prépara donc mentalement au pire, sachant ce qu'il se passait normalement à ce moment là. Elle ferma les yeux et écouta le silence qui régnait dans le parc à cette heure. Elle laissa le vent caresser la peau nue de son visage, mordre ses douces lèvres. Elle fit le vide dans son esprit, se focalisant seulement sur le calme et sa respiration à elle. Ouvrant finalement les yeux, elle se rendit compte que Christopher s'était figé, son visage affichant une expression indéchiffrable. Fronçant les sourcils, son petit sourire se fana et l'inquiétude se lu sur son visage enfantin. Voilà le genre de réaction qu'elle craignait toujours. Se mordant la lèvre, elle fixa un bon moment le sol, ne sachant que dire de plus. Il avait probablement perdu tout l'intérêt qu'il avait pour elle maintenant. C'était à ces moments-là qu'elle se demandait pourquoi elle avait choisit d'exercer un métier si particulier. Elle aurait pu devenir pianiste professionnel, elle aurait pu être une star en Corée du Sud, comme ses amis l'étaient devenu. Elle aurait voulu exercer n'importe quel autre métier en ce moment. Tout pour ne pas décevoir les gens autour d'elle. Passant une main dans ses cheveux, elle piétina la neige molle à ses pieds, se demanda s'il allait la laisser ou bien continuer sa marche avec elle. La jeune femme se détourna un moment, croyant qu'il allait l'abandonner, mais, à sa grande surprise, il vint la rejoindre et prit la parole. Il se justifia en abordant l'aspect physique de la chose, qu'il ne l'aurait jamais imaginée exercer cette profession. Comme tous les hommes, se dit-elle alors, en haussant un sourcils. Aucun homme ne pouvait imaginer une femme dans ce métier et, c'était toujours un choc pour ceux-ci que de savoir qu'il y avait une ou deux femmes dans leur unité. Un silence gênant s'installa entre Christopher et Kira, la jeune femme ne sachant quoi répondre à ce qu'il venait de lui dire.

« Personne ne s'attend à ça ... C'est logique, vue ma carrure ...»

Ces quelques mots chuchotés goûtaient amer dans sa propre bouche. Pour une fois, elle avait presque honte de sa carrière. Ce petit détail arrivait à détruire les belles illusions des hommes en un rien de temps, ce qui créait un célibat permanent. Elle s'attendait à une justification de la part de Christopher et, sans grand étonnement, il lui en servit une sur un plateau d'argent. Relevant les yeux vers lui, elle réfléchit un instant à la question qu'il venait de lui poser. Avait-elle peur de perdre la vie lors d'une intervention ? Elle n'y avait jamais vraiment songée. Elle était le genre de fille à foncer, tête baissée, sans réfléchir aux conséquences de ses actes. Et quand il s'agissait de sauver la vie de quelqu'un d'autre, elle n'hésitait pas un seul instant. Son supérieur appréciait sa vivacité, mais la réprimandait souvent car elle se fourrait dans de drôles de pétrins quelques fois. Souriant légèrement en repensent à toute ces fois où il l'avait grondée, elle n'hésita pas à donner une réponse à Christopher.

« Quand je pense à toute ces vies que je peux sauver, je n'en ai que faire de risquer de mourir. En fait, c'est vraiment une réaction naturelle chez moi. Je fonce sans réfléchir, ce qui ne m'aide en rien. Mais, le fait de savoir que je sauve des vies m'aide à continuer à me donner pleinement, sans avoir peur de mourir. »

Elle le regarda quelques secondes avant de reporter son regard vers les étoiles. Kira sentait bien qu'il y avait un malaise entre eux, ce qui lui minait un peu le moral. C'était, d'ailleurs, la première fois que la réaction d'un homme la décevait autant. Elle aurait aimée qu'il soit ouvert à son métier. Malgré tout, elle ne pouvait le blâmer. Ce n'était pas courant de voir des femmes à la SWAT. Elle avait été très chanceuse d'avoir été recrutée si jeune. Ses dons pour le tir lui avaient valu une place de choix, même si, une fois à Quantico pour son stage, elle avait du prouver qu'elle était forte mentalement et physiquement. Maintenant, quand on la voyait sur le terrain, personne n'avait de doute : Elle était forte. C'était une excellente tireuse et certaines personnes lui disaient qu'elle était une des meilleures. Trop humble, elle répondait toujours qu'elle n'était pas plus exceptionnelle qu'une autre personne et qu'elle se trouvait correcte, point. Kira était comme ça. Elle savait qu'elle était douée en bien des choses, mais elle refusait tout compliment de la part des autres. Car elle savait qu'elle n'était pas parfaite, que jamais elle ne le serait même si elle faisait tous les efforts pour.
Gonflant ses joues froides, elle cherchait ce qu'elle pouvait ajouter pour briser ce froid qu'elle n'aimait pas. En quelques secondes, cette harmonie qu'ils avaient créés s'était effondrée.

« Je ... »

Alors qu'elle s'apprêtait à continuer sa phrase, son pied se posa sur une flaque d'eau gelée et elle glissa, poussant un petit cri aiguë comme seul elle pouvait en faire, puis tomba sur le sol froid. « Aishh ....», dit-elle, honteuse. Comme une enfant, elle affichait un air abattu et triste, rouge de honte. Elle se frappa légèrement la tête en prononçant quelques paroles en coréen «바보, 바보, 바보» . Elle se traitait d'idiote. Réalisant qu'elle parlait à voix haute, elle figea et leva ses yeux piteux vers Christopher. Kira restait assise par terre, sans bouger, dévoilant à Christopher ce côté trop enfantin qu'elle ne montrait qu'à ses plus proches amis. Elle baissa les yeux, plus rouge qu'elle ne l'était et prit appuis sur le sol pour se relever. Par chance, son le talon de sa chaussure ne s'était pas cassé. Essuyant la neige qui s'était collée à son pantalon, elle n'osa point le regarder.
 
« Je suis désolé ...»

Aish ! Pourquoi devait-elle toujours gaffer quand elle rencontrait un homme ?

Pendant que Kira avait encore le dos tourné, les dents du musicien était venues s'abattre sur sa lèvre inférieure. Il avait commis une erreur, et en payant à présent les conséquences. Une grande nouveauté pour lui, qui n'avait pas l'habitude d'avoir ce besoin de réparer ses bourdes. Il vit le visage de Kira se décomposé, et son cœur sembla en prendre un gros coup. Sa réaction avait été exagérée, et il ne pouvait que comprendre la déception de la jeune femme. Lui-même l'était. Pour la première fois, sans doute. Il voulut se justifier, mais ça ne fit que rabrouer encore plus la délicieuse chanteuse, et Christopher n'osa se confondre en excuse pour ses paroles. Ouvrant la bouche pour répondre sur sa remarque par rapport à sa carrure, il n'eut le temps de prononcer le moindre son qu'un flocon attira son attention. Ce flocon-là semblait davantage étinceler que les autres, comme s'il était d'un autre éclat. Sans qu'il ne sache pourquoi, il appropria ce flocon à Kira. Parce que, tout comme la neige qui venait d'attirer son regard, la jeune pianiste avait semblé briller de mille feux dans le bar. Elle s'était distingué des autres, et c'était pour cela qu'il avait commencé à lui parler. Il parvint finalement à articuler quelques phrases, plus balbutiées que réellement parlées. Il retrouvait son assurance, lentement, mais il sentait qu'il parvenait à accuser le coup. Il demanda à la jeune femme comment faisait-elle pour accepter l'idée de se mettre en danger chaque jour pour sauver des vies, et arrêter des criminels. Ce à quoi elle finit par répondre. Selon elle, sauver des vies suffisait amplement à mettre la sienne en danger. Christopher ne pouvait comprendre son point de vue. Lui, il était de ceux qui tuait, et qui favorisait sa vie à celle des autres.

Le musicien voulut répondre, mais il n'en eut pas le temps ; Kira glissait sur une flaque d'eau verglacée, et s'écroulait. Par réflexe, le guitariste avait tendu une main pour la rattraper et l'empêcher de se faire trop mal en tombant, mais son geste, bien que sympathique, n'eut guère l'effet voulu ; en effet, leurs mains ne firent que se frôler, et Kira tomba quand même. Contre toute attente, sa petite manie d'enfant attendrie l'homme dont le visage et le regard se radoucirent. Un léger sourire vint étirer ses lèvres. Mais pas un sourire moqueur, ni même amusé. Un vrai sourire franc. Là, encore, il ne parla pas. A vrai dire, il n'en voyait pas l'utilité. Il s'avança d'un pas, et lui tendit galamment une main. Le froid et la neige avaient gelé ses cheveux, et sa mèche retombait devant ses yeux, rendant son regard encore plus ténébreux qu'à l'accoutumé. Ses yeux sombres s'encrèrent dans ceux de Kira, tandis que les doigts froids de la pianiste s'enroulaient autour de sa main. De nouveau, le courant électrique le submergea, son poignet sembla prendre feu, mais il ne dit rien. Cette sensation, il commençait à l'apprécier. D'un geste doux, il la tira pour l'aider à se relever. Ils furent près, l'un de l'autre. Peut-être même trop pour que ce soit vraiment raisonnable. Maintenant que leurs deux visages étaient si proches, il s'apercevait Ô combien Kira paraissait encore plus jeune, Ô combien les traits de son visage n'avait rien d'agressif, contrairement aux siens. Il sentait son souffle frais venir rafraîchir sa gorge, sans que leurs deux mains ne se lâchent. Pour être exact, il n'avait pas très envie de lâcher cette main qui semblait avoir été faite pour se glisser dans la sienne.

Le souffle accéléré, Christopher n'avait pas bougé. Il ne savait pas comment réagir, n'étant pas habitué à ce genre de situation. En temps normal, il était plutôt dans son coin, à observer une telle scène, sans pour autant y prêter la moindre attention. Il avait toujours le regard plongé dans celui de Kira. Il avait toujours souffle qui venait caresser son cou. Il avait toujours sa main dans la sienne. Un léger vent se mit à souffler, et les fins cheveux de Kira vinrent fouetter le visage du musicien. Et puis, aussi soudainement que la brise était survenue, elle s'arrêta, laissant deux ou trois mèches barrer l'expression confuse de sa si délicate interlocutrice. De sa main libre, Christopher écarta ses quelques mèches rebelles de son visage si pure, frôlant sa peau au passage. Un brouhaha faisait rage dans son crâne, et dans son cœur, sans qu'il ne comprenne quoique ce soit. Elle avait une peau très douce, très délicate. Dans ce simple geste, il avait, sans s'en apercevoir, rapprocher son visage, une nouvelle fois. C'est alors que, un peu sur la droite, un chien se mit à aboyer, tirant un faible sursaut au guitariste. Ce dernier avait vivement tourné la tête dans la direction dudit chien ; il s'agissait-là de l'animal errant qu'il avait suivit des yeux durant plusieurs minutes. L'ignorant à nouveau, Christopher reporta son attention sur la jeune musicienne. La proximité le gênant soudainement, il lâcha sa main, et s'éloigna de quelques pas, troublé sans pour autant le montrer.

Je... Vous n'avez pas besoin de vous excuser...